Pour ses 25 ans, Ricchina, une jeune fille handicapée mentale de Philadelphie rêve d’un mariage. Même si c’est sans marié. C’est sans importance : pour elle, la cérémonie est avant tout synonyme de grande robe blanche et soirée dansante. Lindsay Morris, la photographe à l’origine du projet sur les colonies de vacances non-hétérormées, a accompagné Ricchina […]
Pour ses 25 ans, Ricchina, une jeune fille handicapée mentale de Philadelphie rêve d’un mariage. Même si c’est sans marié. C’est sans importance : pour elle, la cérémonie est avant tout synonyme de grande robe blanche et soirée dansante. Lindsay Morris, la photographe à l’origine du projet sur les colonies de vacances non-hétérormées, a accompagné Ricchina à travers les préparatifs de la cérémonie (voir les photos sur le site de Lindsay Morris). Rencontre avec une photographe qui célèbre l’anti-norme.
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Comment avez-vous rencontré Ricchina ?
Je rencontre Ricchina et sa maman Janice dans un train à Washington. Cette dernière m’explique qu’elle prépare l’anniversaire de 25 ans de sa fille, et essaye de lui offrir son rêve de toujours: devenir une mariée. Janice me raconte les nombreuses difficultés rencontrées autour du financement de cet événement, et sa préoccupation à trouver un photographe abordable et qui photographierait sa fille avec sensibilité et compassion. Janice a deux métiers pour arriver à joindre les deux bouts, dont un de femme de ménage. Elle vit avec sa fille chez sa propre grand-mère de 94 ans. J’ai été si touchée par la personnalité de Ricchina et l’affection de sa mère que je n’ai pas pu m’empêcher de proposer mes services.
A qui veut-elle marier Ricchina?
Ricchina est une mariée sans marié. On lui avait fait croire qu’elle allait assister au mariage de son cousin, et qu’il lui avait demandé de porter une robe de mariée pour se mettre dans l’ambiance. Sa famille lui avait en fait préparé un mariage surprise. Ils avaient organisé une célébration aussi authentique que possible. Janice avait fait faire une robe sur mesure, décoré la maison pour que même les préparations semblent festives, et loué une limousine. Elle a aussi loué une salle, organisé un buffet cuisiné par un traiteur, un DJ, une soirée dansante. Un prêtre a présidé la soirée.
Que cherchiez-vous à montrer ?
C’était important pour moi de montrer la personnalité de Ricchina ainsi aussi les difficultés quotidiennes. Ricchina ne sait pas lire, elle ne peut pas aller aux toilettes seule. Janice est toujours là pour elle, sa patience est impressionnante. Elles ont un lien extrêmement fort, qu’on peut voire dans les photos. Cependant, j’ai veillé à ne pas la montrer comme incapable, mais comme une personne à part entière, avec des gouts et des opinions. A un moment, Ricchina était assise par terre et avait du mal à se lever. Elle tendit ses mains vers sa mère, qui la regarda droit dans les yeux et lui dit « Allons Ricchina, personne ici n’est handicapé, non ? », et Ricchina réussit à se lever. Il n’y avait aucune victimisation dans cette famille. Ce qui me plaît dans ces photos, c’est qu’on y voit l’amour et l’admiration mutuelle de la mère et de la fille.
A quels défis avez-vous eu à faire face ?
Il y a un challenge. On m’avait prévenu que Ricchina allait poser à chaque fois que j’allais la prendre en photo. En fait, il m’a fallu de nombreuses heures pour arriver à la photographier sans qu’elle insiste pour mettre une main sur sa hanche, prendre une pose en trois-quarts, baisser ses lunettes et faire un sourire façon tapis rouge. C’est sûrement quelque chose qu’elle a appris en regardant la télé. En fin de compte, ces poses à répétition sont devenues beaucoup trop fatigantes pour elle et elle a arrêté, et j’ai pu enfin voir la vraie Ricchina.
Qu’avez-vous conclu de cette expérience ?
Ricchina et Janice sont une entité. Elles sont un des meilleurs exemples d’un lien mère-fille que je n’ai jamais vu. C’est presque impossible d’imaginer l’une sans l’autre.
Recueilli par Alice Pfeiffer
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