La nouvelle saison de Ligue 1 arrive, et avec elle, de nouveaux maillots. Chaque année, ils suscitent un intérêt esthétique et financier. Comment sont-ils choisis ? Focus sur le produit phare des stades français.
« On est en train de démarrer une nouvelle ère. De plus en plus d’équipes vont faire appel à des créateurs pour leur maillot, comme le fait déjà le Real de Madrid avec Yohji Yamamoto », assure Pascal Monfort, président de Nutmeg (petit pont, en anglais), une agence de conseil en stratégie mode et sport. Les créateurs de grandes maisons n’hésitent plus à collaborer avec les marques de sportswear. Le dernier en date : Nike avec Olivier Rousteing (Balmain). Depuis l’arrivée des Qataris au PSG, les costumes officiels des joueurs sont aussi montés en gamme : Berluti, ou encore Hugo Boss. « Autrefois les joueurs de foot étaient snobés par la mode, mais ça a bien changé, surtout avec David Beckham », ajoute-t-il. La mode investit le terrain, et tous les clubs s’attèlent pour confectionner le nouveau maillot. Un travail de collaboration entre le club et l’équipementier.
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« Les équipementiers sont force de proposition, puis un dialogue s’instaure entre les représentants du club accompagnés d’une cellule merchandising et commercial », explique Ludovic Lestrelin, maître de conférences à l’Université de Caen et spécialisé en sociologie du football.
Chacun dispose de sa propre méthode. A Saint-Etienne par exemple, les designers et les chefs de produit du Coq Sportif, l’équipementier, présentent des modèles en amont. « On propose un ou deux prototypes de maillots avant d’en discuter ensemble. On n’impose rien, c’est d’un commun accord », souligne Jean-Philippe Sionneau, responsable communication chez le Coq Sportif. Côté club, « ce qui nous intéresse c’est que le maillot reflète notre identité avec la couleur verte notamment, précise Philippe Lyonnet, directeur de communication à l’AS Saint-Étienne. Mais il doit aussi répondre à deux questions : est-ce que le maillot va plaire? Est-ce qu’il est utile aux joueurs ? » Les maillots stéphanois sont testés par les footballeurs eux-mêmes lors d’entraînements à huis clos. « Ils vérifient s’ils sont corrects et font part d’éventuels problèmes », ajoute Jean-Philippe Sionneau. Car même si les supporters l’achètent, le maillot est avant tout le bleu de travail du footballeur.
Le détail qui fait la différence
A Guingamp, en revanche, l’avis des joueurs n’est pas demandé. « Ils découvrent le maillot la veille ou le matin même de sa présentation à la presse. Les matières et les coupes sont étudiées et testées en amont pour répondre aux exigences des joueurs professionnels », explique Gaël Garcia Lachat, manager chez l’équipementier Patrick pour la France. Celui-ci fonctionne en petit comité. « Je travaille avec une designeuse qui va réaliser des visuels à partir des idées du club », poursuit-il. Généralement, les plus petits clubs ont le dernier mot. Pour les plus grands, c’est l’inverse. « Plus il est renommé et plus la force commerciale est importante, plus l’équipementier a le pouvoir des négociations », relève le sociologue Ludovic Lestrelin.
Jeu de couleurs, rayures, scapulaires (la forme en V sur la face avant du maillot), les clubs essaient de trouver un équilibre entre les codes traditionnels et l’innovation. « Il existe une forme de tension entre la modernité et l’histoire du club », analyse Ludovic Lestrelin. Pour les équipementiers, le plus gros du travail c’est le premier maillot, celui qu’utilisent les joueurs à domicile. « Ils jouent sur le design ou sur un élément de détail » pour le faire légèrement évoluer, précise le sociologue. La tendance cette année, c’est le col. Les nouveaux maillots de l’AS Saint-Etienne en revêtent un, façon polo, tandis que ceux de Guingamp et de Rennes arborent un col mao boutonné.
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— le coq sportif (@lecoqsportif) 17 mai 2016
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— En Avant de Guingamp (@EAGuingamp) 14 mai 2016
Pour les maillots extérieurs et les troisièmes maillots (matchs de coupe), place à l’originalité. Les équipementiers n’hésitent pas à jouer sur les couleurs ou sur les motifs. Mais si le club va trop loin, les supporters réagissent au quart de tour. « Il peut y avoir des formes de crispations et des résistances importantes, voire des boycotts, souligne Ludovic Lestrelin. Car le maillot est un objet d’identification, il fait partie du patrimoine du club. » Les Girondins de Bordeaux ont provoqué un tollé médiatique en mai. En cause ? Leur troisième maillot : un patchwork de monuments de la ville sur fond bleu, rose et violet. « Surprenant », selon l’Equipe, « affreux » pour RMC Sport, ou encore « scandaleux » d’après le tabloïd The Daily Mirror. Mais pourtant, les gens l’achètent. 48 % de troisièmes maillots ont été vendus par Bordeaux la saison dernière contre 32 % de maillots domicile.
Les meilleures ventes de maillots de la saison dernière sont connues… #MaillotFCGB2015 https://t.co/2qxACXzmd3 pic.twitter.com/HpQXCIcSNF
— FCGirondins Bordeaux (@girondins) 4 juin 2016
Accessible à tous
« Les clubs professionnels sont dans une logique marketing poussée, ils veulent marquer les esprits en dévoilant chaque année un nouveau maillot », explique le sociologue Ludovic Lestralin. Et pour cause, ça rapporte. Les maillots de Ligue 1 ont généré 1,2 million d’euros lors de la saison 2013-2014, selon les derniers chiffres de l’institut d’études Repucom. Sur l’ensemble des grands championnats européens, les ventes ont progressé de 15 % entre 2011 et 2013. « C’est un marché très important pour les grands clubs de football, notamment pour le PSG en France », poursuit le sociologue.
Avec ses résultats sportifs dignes d’un grand club européen, le Paris Saint-Germain s’offre même les services de professionnels de la mode, à l’instar de Pascal Monfort. « On ne vit plus dans une époque où on achète un seul maillot et on le met pendant cinq ans, on est dans une logique plus proche de la mode », estime-t-il. Car le maillot de foot est bel et bien devenu un objet de mode. Il n’est plus pour les sportifs, c’est un vêtement de prêt-à-porter accessible à tous. « Cet été c’est la pièce à porter ! », continue Monfort, qui a ouvert la Galerie du Ballon, une boutique lifestyle en plein Paris pour les customiser.
« On est obligés de produire des maillots de plus en plus tendance car aujourd’hui le public veut le porter en dehors du stade », reconnaît Gaël Garcia Lachat, manager chez Patrick.
Et les people s’y mettent aussi. Au PSG, Kendall Jenner et Gigi Hadid assistaient en octobre dernier, en pleine Fashion Week, au classico PSG-OM avec le troisième maillot de l’équipe parisienne : un vêtement noir et sobre, jugé élégant par le magazine GQ. Le maillot est même retroussé pour devenir un véritable crop top.
Une photo publiée par BLACKSNOBIETY (@blacksnobiety) le 28 Févr. 2016 à 10h03 PST
Quel est le plus beau ?
Tout comme les plus belles robes du festival de Cannes, le maillot de foot fait l’objet de classements. Les mieux notés sont ceux qui allient « harmonie, sobriété, bon choix de couleurs, et coupe », estime Bérénice Marmonier, journaliste à l’Equipe Sport & Style. La présence de sponsors est également scrutée. Plus ils sont nombreux et imposants, plus « ils gâchent » le vêtement. Malgré tout, « c’est Nike qui domine le marché en termes de tendance et d’esthétisme », poursuit la journaliste. Les plus petits équipementiers s’inspirent des grandes marques. Un effet boule de neige qui n’est pas prêt de s’arrêter et qui se répercute sur les clubs de division inférieure, voire même amateurs.
Cet article a été réalisé en collaboration avec le CFPJ.
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