Le refus de la Suisse d’accéder à la demande d’extradition de Roman Polanski par les Etats-Unis est une excellente nouvelle. Dans cette affaire, la Suisse a su faire passer la justice avant la diplomatie et les éventuelles pressions venant d’une grande puissance.
Le refus de la Suisse d’accéder à la demande d’extradition de Roman Polanski par les Etats-Unis est une excellente nouvelle. Rappelons que le cinéaste avait purgé une peine à l’époque des faits, que les psychiatres judiciaires américains avaient conclu qu’il n’était pas un délinquant sexuel, que le procureur de l’époque avait trahi ses engagements et voulait se « payer » Polanski pour des motifs publicitaires et carriéristes, que l’affaire remontait à plus de trente années, et enfin que la victime, Samantha Geitner, réclamait depuis longtemps l’arrêt des poursuites.
La ministre de la justice suisse, Eveline Widmer-Schlumpf, a insisté sur l’argument de la peine purgée qui rendrait non fondée la demande d’extradition. En effet, la justice américaine a refusé de communiquer à la justice suisse le document qui « devait permettre de confirmer que le juge avait bien assuré aux représentants des parties, lors d’une séance le 19 septembre 1977, que les 42 jours que Roman Polanski avait passés dans la division psychiatrique d’une prison californienne couvraient la totalité de la peine d’emprisonnement qu’il devait exécuter ».
Faute d’avoir transmis cette pièce, la justice helvète considère « qu’on ne saurait exclure avec toute la certitude voulue que Roman Polanski ait déjà exécuté la peine prononcée autrefois à son encontre et que la demande d’extradition souffre d’un vice grave ». La justice américaine a pris acte de la décision suisse mais entend ne pas clore le dossier et chercher d’autres moyens de faire comparaître le cinéaste. De son côté, Samantha Geitner s’est dite satisfaite de la décision suisse et espère que le dossier soit définitivement clos.
Premier point, on a suffisamment critiqué la Suisse lors de l’arrestation de Polanski pour ne pas la féliciter de ce revirement qui prouve deux choses : la confédération helvétique est un état de droit, et dans cette affaire, elle a su faire passer la justice avant la diplomatie et les éventuelles pressions venant d’une grande puissance.
Deuxième enseignement, bien que toutes les parties de cette affaire soient satisfaites, la justice américaine ne veut pas en démordre, malgré toutes les raisons de lâcher l’affaire citées plus haut. Il n’est pas exclu que les causes animant le procureur il y a trente-trois ans restent les mêmes aujourd’hui : le carriérisme.
Troisième point : la rumeur populaire, teintée de populisme, voulait envoyer Polanski au bûcher, l’estimant induement protégé par son statut de grand cinéaste international. Mais c’est exactement l’inverse qui est à l’œuvre : on s’acharne sur le cinéaste, justement parce qu’il est une proie célèbre, de celles qui font roi le chasseur qui les attrappe. Aujourd’hui, Roman Polanski est donc libre de quitter Gstaatd et d’aller où bon lui semble, dans la limite des pays qui n’ont pas d’accord d’extradition avec les Etats-Unis. C’est formidable. Mais il reste indésirable et comptable de lourdes charges aux Etats-Unis. Ce scandale-là continue.