La SNCF a été condamnée pour discrimination envers plusieurs centaines de “chibanis” marocains. Un victoire pour ces retraités qui ont travaillé toute leur vie dans des conditions difficiles et avec un statut et une retraite inférieurs à leurs collègues.
Le conseil des prud’hommes de Paris a annoncé aujourd’hui la condamnation de la SNCF pour discrimination envers ses employés “chibanis”. Cette expression qui signifie “cheveux blancs” désigne les très nombreux travailleurs d’origine ou de nationalité maghrébines ou africaines venus en France durant les “Trente Glorieuses” pour travailler dans des conditions difficiles avec bien souvent un statut inférieur à leurs collègues “de souche”.
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Selon un conseiller prud’homal, la SNCF a été condamnée pour neuf dossiers sur dix dans cette affaire qui a commencé en 2005 quand 832 cheminots marocains ont déposé plainte contre la société ferroviaire. Embauchés dans les années 1970, ils sont pour la plupart à la retraite aujourd’hui. Ils dénoncent un blocage quasi systématique des perspectives d’évolution au cours de leur carrière et une inégalité dans leurs pensions de retraites qui sont en moyenne trois fois inférieures à celles perçues par leurs homologues français.
“Les grand oubliés de l’intégration”
On recense aujourd’hui en France, environ 850 000 chibanis dont 70 % sont d’origine maghrébine. Ce sont d’anciens travailleurs immigrés, devenus retraités immigrés (350 000 ont plus de 65 ans) qui sont victimes de discriminations: procédures de naturalisation très lentes, contrats de travail particuliers, droits de retraites sous-estimés. Qualifiés en 2004 de « grands oubliés de l’intégration » par le Haut Conseil de l’Intégration, ils font aujourd’hui l’objet de nombreuses démarches pour les « rétablir dans leurs droits« .
L’issue du jugement est sans équivoque : la compagnie ferroviaire a été condamnée à verser “entre 150 000 et 230 000 euros de dommages et intérêts” aux plaignants. Chacun réclamait en moyenne 400 000 euros. Le coût global de la compensation s’élève donc, pour l’entreprise, à près de 300 millions d’euros, soit la moitié du bénéfice réalisé en 2013.
Une inégalité de traitement toujours d’actualité
Au temps de l’embauche des plaignants, l’envoi de travailleurs répondait à une demande de la SNCF adressée au gouvernement Marocain. Plus de 2 000 jeunes avaient alors fait l’objet d’une convention entre la France et le Maroc et s’étaient installés sur le territoire, selon les besoins de la compagnie, pour y exercer un métier très dur. Ils étaient embauchés en tant que contractuels, sous un CDI de droit privé. Dans les faits, ils ne bénéficiaient donc pas du statut particulier de « cheminots » qui garanti une sécurité de l’emploi, des avantages en terme de protection sociale, de rémunération et de retraite. Statut réservé aux salariés de nationalité française.
Aujourd’hui, Eric Chollet de la CFDT rappelle à l’occasion du jugement que, selon une disposition inscrite dans la loi, la SNCF, entreprise publique, jouit toujours de deux statuts différenciés pour ses employés.
« Aujourd’hui, sur les 160 000 employés, environ 12 000 sont contractuels. Leurs effectifs augmentent et ils gagnent en moyenne 25 % de moins que les cheminots au statut. Pourquoi cette différence alors que le travail est tout aussi pénible ? Et pourquoi les salariés extra-européens sont-ils exclus du statut ? ».
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