Marine Le Pen a convoqué un bureau exécutif pour décider du sort de son père au sein du FN, au lieu de passer par la commission des conflits. D’après le règlement intérieur de celle-ci, la présidente du parti aurait dû endosser seule la responsabilité des éventuelles sanctions contre Jean-Marie Le Pen. Alors qu’au sein du bureau exécutif, la décision sera collégiale.
Marine Le Pen s’est montrée d’une exceptionnelle fermeté dans son communiqué faisant suite aux déclarations de son père, encore président d’honneur du FN. Pour répondre à la « stratégie de la terre brûlée » et au « suicide politique » du fondateur du FN, elle a annoncé plusieurs décisions. Elle s’opposera d’une part à sa candidature aux régionales en région PACA le 17 avril, et a décidé de convoquer un bureau exécutif exceptionnel « afin d’envisager avec lui les moyens de protéger au mieux les intérêts politiques du Front National ». Si la présidente du parti évite soigneusement de parler d’exclusion, l’éventualité d’une sanction vraisemblablement lourde semble possible. Cependant, les statuts du parti sont flous. Que peut le FN contre son fondateur, devenu fossoyeur de la dédiabolisation ?
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Un équilibre fragile au sein du bureau exécutif
Les deux enjeux de ce conflit consistent à savoir si Jean-Marie Le Pen pourrait être déchu de son statut de président d’honneur – un statut qu’il a créé lui-même et qui l’autorise à siéger dans toutes les instances centrales du parti –, et s’il pourrait être tout simplement exclu du FN.
Selon l’article 8 des statuts du Front, n’importe quel membre du parti peut être exclu pour « motif grave » par la présidente, le bureau politique ou le bureau exécutif. En l’occurrence c’est donc un bureau exécutif qui se prononcera prochainement. Il est composé de neuf membres, dont Jean-Marie Le Pen lui-même. Selon Le Monde, ses membres sont majoritairement favorables à Marine Le Pen, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’une exclusion sera prononcée. En effet, comme le relève La Croix, trois membres de ce bureau sont des lepénistes historiques, attachés au grand timonier du Front : Jean-François Jalkh (membre depuis 1974), Marie-Christine Arnautu (1987) et Wallerand de Saint Just (1988). Louis Aliot, le compagnon de Marine Le Pen, y siège également, mais il s’est d’ores et déjà déclaré « pas favorable à une exclusion de Jean-Marie Le Pen ». Cinq membres sur neuf seront donc vraisemblablement contre son éviction. Mais l’équilibre est fragile, et le bureau pourrait au moins décider de le déchoir de son statut, ou de le suspendre provisoirement.
Pourquoi Marine Le Pen a contourné la commission des conflits
Si Marine Le Pen a fait appel à cette instance en particulier, c’est pour se faciliter la lourde tâche de se débarrasser sans être trop indélicate de son père devenu un fardeau. En effet, pour régler les questions de discipline, elle aurait pu faire appel à la Commission de discipline et de conciliation, dite commission des conflits. Nous nous sommes procuré ce règlement intérieur spécial et non public de cette commission (visible ci-dessous).
Il révèle qu’elle est en effet compétente pour délibérer sur « des manifestations graves ou répétées d’indiscipline, ainsi que des actions susceptibles de porter atteinte à la stabilité ou à la considération du Mouvement ». Mais Marine Le Pen, en passant par cette instance, aurait dû supporter seule la décision finale – blâme, suspension temporaire ou exclusion, selon le point 6 du règlement. A l’inverse, avec le bureau exécutif, c’est une décision collégiale, on ne l’accusera donc pas d’avoir tué le père.
De plus, le président de cette commission est Alain Jamet, un ami de Jean-Marie Le Pen depuis des décennies, et qu’il a d’ailleurs défendu dans le Figaro, comme le révèle l’historien Nicolas Lebourg sur Slate. Voilà donc pourquoi Marine Le Pen a fait appel au bureau exécutif: elle contourne le proche de son père, et n’endossera pas seule les sanctions qui pourraient tomber sur l’indéboulonnable « Menhir » du FN. Habile.
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