Le musée des Beaux-Arts d’Ajaccio, qui expose le « Piss Christ » d’Andres Serrano depuis le 27 juin, a fermé ses portes samedi 6 septembre sous la pression d’intégristes catholiques.
Samedi 6 septembre, le musée des Beaux-Arts d’Ajaccio, le Palais Fesch, fermait ses portes pour la journée. En cause: l’annonce d’une manifestation organisée par des intégristes catholiques contre la rétrospective consacrée à l’artiste américain Andres Serrano depuis le 27 juin et ce jusqu’au 29 septembre. Serrano est l’auteur, entre autres, de Immersion Piss Christ, plus connue sous le nom de « Piss Christ », une photographie dans les tons rouge et ambré réalisée en 1987 et représentant un crucifix plongé dans un bocal d’urine, bête noire des intégristes chrétiens depuis plusieurs années.
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A l’origine de la fronde corse, un blog: Piss Christ Fora (Dehors le Piss Christ), créé le 26 août dernier « pour l’honneur de Jésus Christ et de la Corse » par un certain François Veyret-Passini qui s’insurge dans un texte d’introduction:
« Le Christ a partagé notre condition humaine, il est non seulement notre Dieu, mais notre frère. Qui accepterait de voir les photos de son père, de sa mère, de l’un des siens, traitées ainsi et exposées au public ? (…) Que le moment suprême de la Rédemption des hommes, le moment où le Christ offre Sa vie sur la croix pour sauver les êtres humains soit associé à des déjections, n’est pas pour surprendre, car UNE TELLE HAINE ÉTAIT DÉJÀ ANNONCÉE DANS L’ÉVANGILE, et les profanations, au cours de l’histoire, n’ont pas manqué. »
Et demande, « sans violence mais avec force« , le retrait de l’exposition consacrée à Andres Serrano du Palais Fesch. François Veyret-Passini a également entamé une grève de la faim le 26 août à l’issue d’une première manifestation. Sans surprise, il a donné des interviews au site d’extrême-droite Jeune Nation, organe de l’Oeuvre française (un mouvement pétainiste et antisémite) et au site Egalité et réconciliation, piloté par Alain Soral. Ses revendications sont également soutenues par les sites identitaires La Ligue francilienne et Fdesouche.
Contacté par Les Inrocks, le service de presse de la mairie – vers lequel nous a renvoyé le Palais Flesch- n’a toujours pas répondu à notre demande d’interview. Mais la fermeture n’aurait été que temporaire et le musée aurait rouvert aujourd’hui.
L’œuvre d’Andres Serrano a été vandalisée en 1997 dans une galerie d’art à Melbourne, en 2007 dans une galerie d’art en Suède et le 17 avril 2011 lors de sa présentation dans les salles de la Collection Lambert en Avignon. Des intégristes catholiques l’avaient alors saccagée à coups de marteau, de pic à glace et de tournevis. La fronde était menée par l’institut Civitas, qui avait notamment inondé les boites mail des responsables du musée et de la députée-maire d’Avignon, Marie-Josée Roig.
C’est la même méthode qu’emploie aujourd’hui Piss Christ Fora. Sur son blog, François Veyret-Passini invite ses soutiens à appeler le musée Fesch pour lui « dire tout le « bien » qu’ils pensent de l’exposition du « piss Christ » entre les esquisses de Rembrandt et la peinture Lombarde. »
« Totale mésinterprétation de l’oeuvre »
Pourtant, Andres Serrano s’est toujours défendu d’avoir réalisé une œuvre blasphématoire. Dans une interview donnée à Libération en 2011, il expliquait être face à une « totale mésinterprétation de l’oeuvre« :
« Je suis moi-même chrétien, et plus encore je suis un artiste chrétien. Ma maison est pleine d’œuvres sacrées des XVe et XVIe siècles. Je n’ai rien d’un blasphémateur, et je n’ai aucune sympathie pour le blasphème. C’est tout le contraire de ma nature. (…) Si en faisant appel au sang, à l’urine, aux larmes, ma représentation déclenche des réactions, c’est aussi un moyen de rappeler à tout le monde par quelle horreur le Christ est passé. »
Quant au titre provocateur de son œuvre, il affirmait: « Je suis un artiste qui travaille la photographie. Mes titres ont un caractère littéral et sont tout bonnement descriptifs. Si je réalise un monochrome de lait ou de sang, j’appelle cela «lait» ou «sang». L’intitulé ne contient aucune hostilité envers le Christ ou la religion. Il est simplement une description.«
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