“Il faut s’aimer, et puis il faut se le dire, et puis il faut se l’écrire, et puis il faut se baiser sur la bouche, sur les yeux, et ailleurs.” Lettres de Victor Hugo à Juliette Drouet, d’Anaïs Nin à Henry Miller, de Frida Kahlo à Diego Rivera… Les plus grandes histoires d’amour ont donné lieu à des productions littéraires incroyablement intimes. C’est cet héritage épistolaire que Des Lettres cherche à remettre au goût de la génération 2016, en le passant au numérique via un site et des applications mobile. Trois questions à Morgane Ortin, passionnée de littérature à la direction éditoriale du site.
Pourquoi l’épistolaire ?
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C’est un genre littéraire délaissé des critiques, des universités, des éditeurs. Des Lettres est né à l’été 2013, à la suite du constat qu’il n’y avait aucune maison d’édition spécialisée dans l’épistolaire. On a voulu redonner ses lettres de noblesses à ce genre sous-estimé, basé sur l’intime, qui offre une porte d’accès bien plus personnelle aux grands auteurs. On tient un rôle à la fois de maison d’édition, mais aussi celui d’un média en ligne : nous postons des lettres régulièrement sur le site, souvent en lien avec l’actualité, et animons notre communauté de fans à travers les réseaux sociaux – on veut travailler notre communauté, créer des liens comme on le ferait par correspondance. Nous avons 250 000 visiteurs uniques par mois, ce qui est plutôt bien pour un truc de niche.
« Peu avant que j’appelle le bureau de mon manager, je tenais ma première lettre d’une fan américaine – et elle était de toi. » Lettre de David Bowie à Sandra, sa première fan américaine, le 25 septembre 1967. Lettre à lire ici
Des Lettres publie sur Internet des textes littéraires enfouis. Quelles ont été les motivations de ce passage au numérique?
De nos jours, la communication écrite est omniprésente. Il s’agit de donner un nouvel écrin au patrimoine, l’écrin de l’époque. On essaie vraiment de dé-ringardiser la littérature et le genre épistolaire en s’aidant du support numérique. Chez Des Lettres, on est de vrais petits rats de bibliothèque, on passe notre temps à fouiller pour trouver la perle rare. Parfois, notre équipe va lire tous les volumes de correspondance d’un auteur, éplucher toutes les notes de bas de page pour trouver la lettre qui va sortir du lot. 80% des correspondances publiées sont issues du domaine public, et le reste est négocié avec les maisons d’éditions, qui y trouvent leur compte vu qu’on leur donne de la visibilité. On puise du côté des grands noms, mais on s’attarde sur les petites histoires qui humanisent l’auteur comme la lettre de Proust à son chien ou encore les lettres incestueuses de Voltaire. On veut rendre la littérature plus accessible en montrant les coulisses de l’histoire.
Cette volonté est poursuivie avec le lancement de notre toute nouvelle application, Lettres Capitales, un guide touristique de Paris par correspondance. Au fur et à mesure des déambulations d’un utilisateur, il reçoit des notifications l’informant des anecdotes qui se sont passées à chaque lieu, comme le combat de boxe à laquelle participent Fitzgerald et Hemingway, raconté dans ses correspondances. Il découvre Paris autrement, et est transporté au temps de l’écriture des lettres… le tout dans les rues de Paris en 2016, via son smartphone.
« Je t’aime trop, pour t’aimer moins il faudrait que je sois plus avec toi, et ce serait bien parce que tu n’es pas fait pour être aimé, tu es trop calme… Enfin il faut que je te prenne comme tu es, car tu es quand même mon amant que j’adore, celui qui me fera mourir de plaisir et de douleur et d’amour… Je mords ta bouche jusqu’au sang et je me grise de ton regard indifférent et bien méchant… » Lettre de Kiki de Montparnasse à Man Ray, 1921. Lettre à lire ici.
C’est aussi le genre le plus personnel, plongeant le lecteur au cœur de l’intime du rédacteur. Tes plus belles découvertes ?
On cherche ce qui va parler au plus grand nombre, nous n’avons pas encore la légitimité pour publier des auteurs inconnus, même si les gens nous font de plus en plus confiance – par exemple, la lettre de la poète russe Marina Tsvetaeva, à l’oeuvre plus confidentielle que les grands noms que l’ont met habituellement en avant, ont bien plu. Mes préférées jusqu’ici : les lettres de Frida Kahlo à son mari Diego Rivera, incroyablement belles, ou encore les lettres d’amour étonnement drôles du peintre Fernand Léger, ou encore celle, très touchante, de James Joyce adressée à une femme inconnue pour lequel il a un coup de foudre. Les découvertes sont infinies, et toujours très émouvantes. Chez Des Lettres, il y a du love dans tous les coins !
« Diego, Rien ne ressemble à tes mains, rien ne ressemble non plus à l’or vert de tes yeux. Tu remplis mon corps, jour après jour. Tu es le miroir de la nuit. La lumière violette de l’éclair. L’humidité de la Terre. La béance de tes aisselles est mon refuge. Ma joie entière est de sentir la vie jaillir de ta source-fleur que la mienne garde pour remplir tous les chemins de mes nerfs qui t’appartiennent, tes yeux, épées vertes dans ma chair, onde entre nos mains. » Lettre de Frida Kahlo à Diego Rivera, à lire ici.
Des Lettres : Le site de la correspondance et des lettres. Des Lettres propose une newsletter pour recevoir les plus belles lettres de la littérature directement dans sa boîte mail. Retrouvez également l’application Lettres Capitales sur l’App store et sur les abribus de la ville de Paris.
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