Redevenir un bébé, craquer pour un monde-puzzle kawaii, traverser une cité cyberpunk et découvrir les jeux éprouvants de Stephen Lavelle : l’actualité vidéoludique de la semaine (spéciale indés) par Erwan Higuinen.
En attendant le salon E3 (10-12 juin) où les blockbusters seront roi, les indés du monde entier occupent le terrain. Petit tour d’horizon des dernières productions.
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Norvège : Among the Sleep
A l’annonce d’Amont the Sleep, on s’est emballé. Le jeu de Krillbite Studio (PC et Mac, 19,99 €) promettait de nous faire partager le point de vue (inquiet) sur le monde d’un enfant de deux ans. On rêvait de l’une de ces fictions du quotidiens si rares dans le jeu vidéo – dans un registre plus pop, on pense à Chibi-Robo. Mais la marche était trop haute pour le petit studio, techniquement comme conceptuellement. Si Among the Sleep déçoit, c’est parce qu’il se repose trop sur les acquis supposés du jeu vidéo et, d’abord, du survival horror (ambiance, énigmes, etc.). Dommage car, sous le genre, l’expérience unique affleure. On frémit dans l’obscurité. On se sent tout petit. On sert son nounours contre soi – ce qui, dans un raccourci touchant, illumine momentanément les lieux. De la chambre du bébé (avec sa boîte à musique, ses coussins…) à l’exploration de ses souvenirs (serait-ce un rêve ?), Among the Sleep est troué de moments sidérants. Puis il recommence à ronronner. Jeu de la semaine, quand même.
Danemark : Where is my Heart ?
Pour ceux qui, comme nous, l’auraient raté en 2011 sur les consoles Sony, l’arrivée sur PC et Mac (7,99 €) de Where is my Heart ? des Danois de Die Gute Fabrik est une bénédiction. Son principe tient du coup de génie : chaque niveau (de plateforme) est un puzzle tout mélangé. Un pas vers la droite d’une de ses pièces et, mon dieu, voilà que nous tombons soudain dans le vide en apparaissant dans un autre morceau du puzzle abandonné de l’autre côté de l’écran. A nous, en faisant collaborer trois personnages, de trouver le moyen d’atteindre la sortie en remettant mentalement les cases à leur place – l’affaire est cérébrale, sentimentale, totale. Et en n’oubliant pas de récupérer les petits cœurs délicatement posés ou au contraire haut perchés qui n’attendent que nous – à moins qu’ils ne nous fuient ? Tout est en désordre, donc, mais c’est peut-être mieux comme ça, plus festif, plus surprenant. « Où est mon cœur ? » fait mine de s’interroger le jeu adorable. Le nôtre est pris.
Etats-Unis : Transistor
D’abord, il y a un style visuel, et une voix. C’était déjà ce qui distinguait d’emblée Bastion, la première création du studio californien Supergiant Games, mais Transistor (PS4 et PC, 18,99 €), s’il relève du même genre action-RPG, est différent. On y dirige une jeune chanteuse devenue aphone qui déambule dans une ville sans habitants. Sa seule « compagnie » est une lourde épée qui lui parle – la voix off, c’est elle. Côté direction artistique, avec sa cité néon, ses interludes très BD et sa bande-son follement travaillée, Transistor est une merveille. C’est son atmosphère, entre film noir rétro-futuriste et SF cyberpunk vaguement jazzy, qui nous transporte grâce à un sens admirable du détail (quelques mots sur un terminal informatique, une ombre, un bruit feutré). Sa part plus traditionnellement ludique (combats, gestion de nos capacités…) se révèle plus morne, plus laborieuse. On pense même par moments à un Kingdom Hearts pour les grands – luxueux, abscons, peut-être un peu creux. Mais, pour son ambiance entêtante, beaucoup lui sera pardonné.
Royaume-Uni : The Serpent
On tient peut-être le plus malaisant, et volontairement, de tous les jeux vidéo. Auteur expérimental à l’œuvre pléthorique – son site web propose plus de 180 jeux aux titres aussi divers que Slave of God, Bastard ou Snowman’s Day Out –, Stephen Lavelle (alias Increpare) aborde avec The Serpent (PC et Mac, gratuit) la question du viol. Littéralement (et graphiquement), mais on peut aussi le recevoir métaphoriquement. Ça dure quelques minutes et c’est éprouvant : on erre dans un labyrinthe, on se heurte à un homme et, soudain, nous voilà sous lui et dans l’incapacité de résister. Le labyrinthe fera son retour. On deviendra le violeur. On n’oubliera pas.
Et ailleurs :
L’ouverture d’un nouveau studio, ça se fête, surtout quand Frédérick Raynal (Alone in the Dark, Little Big Adventure) est aux manettes. Associé à Yaël Barroz, Thierry Platon et Sophie-Anne Bled au sein du joliment nommé Gloomywood, le père du survival horror annonce rien moins que son grand retour au jeu qui fait peur.
Figure majeure du jeu indé nippon, Kenta Cho (aka ABA Games) ne perd pas le rythme. En mai, il a conçu six nouveaux petits jeux d’inspiration rétro jouables gratuitement sur navigateur internet. Mention spéciale au minimalisme cruel et néanmoins fluo de From Four Sides.
Après le remarqué Ethan : Meteor Hunter, les Tourquennois de Seaven Studio ont révélé ce que sera leur deuxième jeu. Dérivé d’un lauréat de la 23e Ludum Dare, le « platformer rythmique » Inside My Radio demandera au joueur de caler ses mouvements sur la musique de chaque niveau. Un passage estival par Kickstarter est envisagé. On piaffe déjà.
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