Le Citizen Kane du jeu vidéo, le retour de Vanillaware, la NBA défiée par l’Europe du basket et Arte qui se prend au jeu : toute l’actualité vidéoludique de la semaine par Erwan Higuinen.
Japon : Dragon’s Crown (Vanillaware / NIS America)
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Vanillaware n’est pas un studio japonais comme les autres. En une demi-douzaine de titres, George Kamitani et sa confrérie d’artisans maniaques se sont bâtis une jolie réputation d’experts en mélange des genres et, surtout, d’esthètes dont les plus belles créations (Odin Sphere, Muramasa…) oscillent entre le manga exubérant et l’estampe d’Hiroshige miraculeusement animée. Mariant beat them all et jeu de rôle, Dragon’s Crown (sur PS3 et Vita, de 35 à 50 €) n’est malheureusement pas de cette étoffe. Un peu plan-plan, il ne décolle que joué à plusieurs – auquel cas la confusion gagne l’écran, mais c’est une autre histoire. Il n’en reste pas moins un spectacle ébouriffant une fois digéré le surdéveloppement mammaire d’un goût douteux de ses personnages féminins.
Livre : Aybabtu d’Harold Goldberg
La somme sur le jeu vidéo que l’on attendait est arrivée. Pourtant, le livre d’Harold Goldberg (chez Allia, 448 pages, 20 €) n’impressionnera pas forcément tout de suite ceux qui ont déjà beaucoup lu sur le sujet en français et/ou en anglais. Car, même si le journaliste américain a effectué un énorme travail d’enquête, son ouvrage vaut moins pour ses révélations que par la manière dont, avec un parfait équilibre entre l’approche subjective et l’exposé érudit, Goldberg parvient, en alignant les récits faussement autonomes (sur Pong, Tetris, The 7th Guest, Crash Bandicoot, Sim City…) à montrer « comment les jeux vidéo ont conquis la pop culture en un demi-siècle » (tel est son sous-titre). C’est-à-dire non par un coup de force mais par celle de l’évidence. Aybabtu (acronyme découlant de l’erreur de traduction d’un vieux jeu japonais devenue célèbre : « All Your Base Are Belong To Us ») trouve sans mal sa place aux côtés des ouvrages essentiels sur le rock du même éditeur signés Greil Marcus, Nick Tosches ou Nik Cohn.
Mobile : Type:Rider (Arte / Ex Nihilo / Bulkypix)
Surprise : Arte se lance dans le jeu vidéo. Cela paraît cependant moins fou que l’idée sur laquelle repose Type:Rider (iPhone, iPad et Android, 2,69 €), premier titre élu par la chaîne : raconter l’histoire de la typographie à travers un jeu de plateforme en 2D. Et pourtant, l’œuvre du jeune Théo Le Du Fuentes (alias Cosmografik) entamée alors qu’il était encore étudiant aux Gobelins réussit joliment à marier la richesse documentaire et la finesse ludique. Dans un style proche de NightSky (en plus varié), le jeu rassemble une dizaine de niveaux célébrant (ou moquant, pour la Comic Sans MS) de fameuses polices de caractère. A nous de déplacer de lettre en lettre nos deux petites billes pour progresser dans ce jeu loin de se reposer sur sa plus-value culturelle.
Type:Rider, qui se décline aussi en installation et en social game n’est que la première étape d’une vaste offensive automnale d’Arte sur le terrain du jeu vidéo dont il sera aussi question dans le premier numéro du nouveau webmagazine BiTS qui, à partir du 16 octobre, partira du cas GTA V pour s’interroger sur ce qui procure du plaisir au joueur. D’autres rendez-vous suivront, sur lesquels on reviendra.
http://www.youtube.com/watch?v=4wHpn7lv-NQ
Indé 1 : Knock-knock (Ice-Pick Lodge)
Dernière création de l’audacieux studio moscovite Ice-Pick Lodge, Knock-knock (PC, Mac et Linux, environ 9 €) ne ressemble à rien de connu. Ou, plus exactement, il se distingue sans tarder de ce à quoi on pourrait le comparer, du jeu d’action 2D au survival horror. Même s’il a un point commun avec ce dernier : la capacité à faire méchamment flipper. Mais, ici, c’est en jouant perversement avec notre esprit que les développeurs font naître le malaise, et en exploitant nos angoisses les plus enfouies, celles qui conservent un arrière-goût d’enfance. Peur du noir, des bruits inconnus, de ne plus reconnaître au réveil la pièce où l’on s’est endormi. C’est ce qui arrive à l’étrange personnage aux yeux exorbités de Knock-knock, qui arpente chaque nuit, une bougie à la main, sa maison perdue au fond des bois. Et qui s’arrête, nous fixe et nous parle. Ses propos n’ont pas toujours de sens. Son but : survivre jusqu’au petit matin. Le reste est à découvrir d’urgence.
Indé 2 : Montague’s Mount (Polypusher / Mastertronic)
Joie : Dear Esther fait des émules. Projet très personnel de l’Irlandais Matthew Clifton, Montague’s Mount (PC, Mac et Linux, environ 8 €) s’inscrit dans la lignée de ce phénomène indé de 2012, et pas seulement parce que lui aussi fait disparaître le « S » (« shooter ») de FPS pour miser sur l’exploration subjective quelque peu fébrile. En s’appuyant davantage sur les énigmes à résoudre, cependant, donc plus proche dans l’esprit d’un Myst contemporain. Nous voilà dans la peau d’un homme perturbé qui se retrouve seul sur une île. Il y a le vent, la pluie, les ténèbres et, en voix off, du gaélique. Le joueur n’est plus un guerrier mais un promeneur, qui traverse le monde, ouvert à toutes les impressions. Si Montague’s Mount n’égale pas son modèle, on espère que la lignée se prolongera longtemps.
Sport : NBA 2K14 (Visual Concepts / 2K)
Voilà notre héros, qui se dresse sur la route de Lebron James, décidé à stopper l’ailier phénomène du Miami Heat. Cet athlète téméraire, c’est Fabien Causeur, le Français de Vitoria invité comme ses camarades de quatorze équipes d’Euroligue (Barcelone, l’Olympiakos… mais aucun club français) à côtoyer les stars du basket américain. Telle est la principale nouveauté de NBA 2K14 (PS3, Xbox 360 et PC, 30 à 50 €) qui, à l’exception d’un mode dédié à King James, ressemble beaucoup au 2K13. Mais ce n’est pas qu’un détail car NBA 2K, comme ses confrères du base-ball et du foot US, a toujours été, en plus d’une excellente simulation sportive, une sorte de billet express pour l’Amérique – sa langue, ses mythes, ses cérémonies. Pour l’heure discrète, l’arrivée des équipes européennes est donc peut-être le signe annonciateur d’une mutation de la série. En plus, on a toujours eu un faible pour Fabien Causeur.
Gratuit : C. Kane (Super Walrus Games)
La même interrogation revient régulièrement dans les débats sur la nature artistique (ou non) du jeu vidéo : aura-t-il un jour son Citizen Kane ? Comprendre : le chef-d’œuvre unanimement reconnu qui établirait sa valeur une fois pour toutes. Inutile d’attendre plus longtemps : grâce à l’Américain Paul Harrington (soit Super Walrus Games à lui tout seul), le Citizen Kane du jeu est arrivé, ou en tout cas son C. Kane (PC, Mac et Linux) qui n’est pas ce que l’on pourrait penser. Car si le game designer pioche joyeusement dans le film d’Orson Welles, il est loin de s’arrêter là. Dans ce jeu de rôle miniaturisé (mais ludiquement solide), références pop et gags abondent en effet, jusqu’au thème rap de la carte du monde (« It’s the world map… »). Quant à ces mots au téléphone du père astronaute (!) de notre Charles Kane qui s’éloigne à jamais, ils ont quelque chose de familier : « Tell my wife I love her very much. » Mais on aurait tort de trop dévoiler les surprises de C. Kane, régal d’intelligence narrative et ludique, à la fois fine satire et vrai jeu, également disponible (à 0,73 €) sur mobiles Android.
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