Entre les blockbusters triomphants et les indés rusés, quels ont été les meilleurs jeux vidéo de l’année ? La réponse (forcément subjective et discutable) et un ou deux paris pour 2014 par Erwan Higuinen.
Pas de GTA V, d’Assassin’s Creed IV, de Tomb Raider ou de BioShock Infinite dans notre top 10 des meilleurs jeux vidéo de 2013. Non que les blockbusters aient tous déçu, loin de là, mais, cette année, c’est plus que jamais de la galaxie indé que nous sont parvenus les titres les plus étonnants, les plus audacieux, les plus émouvants. Ceux dont les sensations, les dilemmes, la vision du monde, l’univers, les personnages nous accompagneront encore longtemps.
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1) Gone Home
Sur PC et Mac (The Fullbright Company), 19 €
C’est un impressionnant tour de passe-passe qu’ont réussi les créateurs de Gone Home, Steve Gaynor en tête : donner naissance au jeu le plus humain de l’année alors même qu’aucun personnage n’y apparaît vraiment. Le point de vue (celui d’une étudiante de retour à Portland après une année en Europe) est subjectif et la maison (de ses parents), mystérieusement vide. Que s’est-il passé en son absence ? Voilà ce que l’on découvrira en examinant chaque objet, chaque écrit, chaque poster sur les murs comme dans un BioShock épuré et, surtout, rapatrié dans notre monde à nous, faussement banal et troué de coups de cœur – même si, parfois, les choses finissent un peu mal. Tout le monde devrait jouer à Gone Home.
2) The Last of Us
Sur PS3 (Naughty Dog / Sony), 60 €
The Last of Us ressemble à un aboutissement. Sur le plan technique, d’abord, pour la génération de consoles que les toutes nouvelles PS4 et Xbox One sont vouées à remplacer dans les foyers. Mais le dernier bébé des auteurs d’Uncharted paraît surtout être ce à quoi devait mener une vieille idée du jeu à gros budget. Entre le grand spectacle cinématique et l’intensité ludique, entre les montagnes russes émotionnelles et une certaine écriture de l’intime, les développeurs de Naughty Dog ne choisissent pas et c’est ce qui fait de cette balade à deux (un homme mûr, une ado) sous influence The Walking Dead une expérience inoubliable.
3) Papers, Please
Sur PC et Mac (3909 LLC), 9 €
Halte à la dictature du “fun”, qui ne saurait être l’unique critère à prendre en compte pour juger de la valeur d’un jeu. Fun, Papers, Please de Lucas Pope ne l’est d’ailleurs pas franchement, lui qui nous confie le rôle d’un douanier chargé de contrôler les papiers des candidats à l’entrée dans une “république populaire” du début des années 80. Sera-t-il tatillon ou coulant, au risque d’une retenue sur salaire qui mettrait en danger la survie même de sa famille ? Travail fastidieux, inconfort, cas de conscience à répétition – souvent, il n’y a pas de “bonne” solution. Pas très fun, donc, mais riche, stimulant, élégant, dérangeant…
4) Proteus
Sur PC, Mac, PS3 et Vita (Twisted Tree / Curve Studios), de 10 à 13 €
Halte à la dictature (bis) des missions à accomplir. Dans Proteus du Britannique Ed Key, aucun objectif n’est assigné au joueur qui ne saura jamais précisément dans quelle mesure ses actions influent sur l’environnement. Ce qu’il n’ignore pas, en revanche, c’est que l’île sur laquelle il débarque, différente à chaque partie, n’attendait que lui. Une île aux couleurs improbables, aux formes pixelisées, à l’esthétique néo-primitive. Mais, libérées de l’emprise du photoréalisme, la dérive n’en est que plus émue, la contemplation plus troublante. Un changement de luminosité, un souffle de vent, un envol de lucioles en deviennent grisants.
5) Super Mario 3D World
Sur Wii U (Nintendo), 50 €
Imaginez une grosse pâtisserie. Un gigantesque gâteau recouvert d’un glaçage multicolore et dont chaque part révélerait au gourmet incrédule des nuances de goût différentes (du sucré, du fruité, du chocolaté…) sans que jamais cette variété ne mette en péril l’harmonie de l’ensemble. Super Mario 3D World, c’est un peu ça, mais transposé au jeu de plateforme, soit un tourbillon d’inspirations ludiques mises au service d’un level design raffiné – le burlesque bariolé n’est que l’emballage d’un jeu follement intelligent. Un peu hors du temps, un peu résistant, ce Mario nouveau est un régal permanent.
6) Luxuria Superbia
Sur PC, Mac, iPhone, iPad et Android (Tale of Tales), de 2,70 à 7 €
Faire l’amour à sa tablette, à son mobile ou à son ordi – mais, dans ce dernier cas, il faudra utiliser une manette ou une souris au lieu d’y aller simplement avec les doigts. Tel est, en quelque sorte, notre troublant objectif dans Luxuria Superbia, le dernier petit bijou en date des développeurs artistes du studio belge Tale of Tales dont on chantait les louanges ici-même il y a quelques semaines. Et on ne se lasse pas de leur œuvre si étrange, frontale et distanciée à la fois, enfantine et subversive, douce, psychédélique, lumineuse, enjôleuse. On jurerait même que c’est une expérience mystique, parfois.
7) Beyond : Two Souls
Sur PS3 (Quantic Dreams / Sony), 40 €
Comme ses jeux précédents, Heavy Rain et Fahrenheit, le dernier David Cage divise. Certains moquent son scénario, d’autres lui reprochent de trop vouloir “faire” cinéma, d’autres encore rejettent son discours sur le manque de maturité du jeu vidéo. Dans cette guerre de tranchées, on opte sans hésiter pour le camp des “pour” au vu de Beyond : Two Souls. Ce thriller aux allures de jeu expérimental à gros budget parvient à faire naître une relation inédite, intime entre le joueur et le personnage auquel Ellen Page prête sa plastique au fil d’une histoire qu’on découvre en désordre. Ce n’est pas rien.
8) Rayman Legends
sur Wii U, Xbox 360, PS3, Vita et PC.(Ubisoft,), de 20 à 30 €. A paraître le 27 février sur PS4 et Xbox One
En 2D, le petit Frenchie dans bras ni jambes n’a plus rien à envier au patriarche Mario. Après l’excellent épisode Origins, Rayman Legends va plus loin dans presque tous les domaines (la quantité d’épreuves, la variété du gameplay, l’utilisation de la musique, l’humour…) et frappe par sa générosité autant que par son honnêteté. Ici, quand on laisse entendre au joueur que quelque chose d’inédit va se produire, ce n’est pas juste pour amuser la galerie. Quatre mois après sa sortie, les défis hebdomadaires et quotidiens qu’il propose sont aussi une bonne raison de faire encore un bout de chemin avec la créature de Michel Ancel.
9) Starseed Pilgrim
Sur PC et Mac (Droqen), 6 €
Et soudain, tout devient clair. Telle est la révélation qui se produit au bout d’un temps certain passé à essayer de comprendre ce que l’on peut bien être censé faire. Il y a des assemblages de blocs au-dessus du vide, un personnage que l’on déplace, des graines à planter pour faire “pousser” d’autres blocs et atteindre de nouvelles zones. Sachant qu’il existe trois mondes parallèles différents, on aura compris que le jeu du jeune Alexander “Droqen” Martin n’est pas de tout repos pour les neurones. A moins d’y aller au feeling, ce qui n’est pas forcément la plus mauvaise des solutions car Starseed Pilgrim est un jeu-énigme fascinant.
10) Depression Quest
Sur PC et Mac (Zoe Quinn), gratuit.
Lancé pour la Saint-Valentin (!), Depression Quest est l’une des plus impressionnantes fictions interactives – utilisant le logiciel Twine – de ces dernières années. Son principe : nous mettre dans la peau d’un dépressif et nous soumettre les choix qui s’offrent à lui. Mais il y a une (géniale) idée de game design : certaines options apparaissent mais sont rayées et, donc, inaccessibles. Voilà l’expérience (de la dépression, donc) que le jeu nous fait partager. Malgré une lamentable campagne misogyne contre sa jeune conceptrice Zoe Quinn, Depression Quest vient d’obtenir le droit de rejoindre la boutique en ligne Steam.
http://www.youtube.com/watch?v=bhXeqraHbws
Et puis aussi
Ne retenir que dix élus est forcément cruel et certains recalés ont fière allure. The Novelist, Bravely Default, Assassin’s Creed IV : Black Flag, Luigi’s Mansion 2, Kentucky Route Zero, Fire Emblem Awakening, Saints Row IV, Animal Crossing : New Leaf (le jeu sur lequel on a passé le plus de temps en 2013), Remember Me, Tomb Raider, DmC Devil May Cry, Consensual Torture Simulator et 140 n’étaient pas si loin.
Rattrapages tardifs
Découverts et aimés cette année, ils sont en réalité parus en 2012. Ou alors sont des remakes de jeux datant d’encore avant. Ils ne pouvaient donc, malgré toutes leurs qualités, figurer dans notre top : Hotline Miami, Thomas Was Alone, Persona 4 Golden, Earthbound, Dear Esther, The Walking Dead.
A rattraper en 2014
Mais où est The Stanley Parable ? Pourquoi Brothers : A Tale of Two Sons a-t-il été oublié ? Parce qu’on n’y a pas (encore) joué. On a honte. On se rattrapera.
Une tendance, deux paris
La génération procédurale de niveaux – c’est-à-dire leur fabrication semi-aléatoire par la machine en fonction d’algorithmes plutôt que par un designer – n’est pas une nouveauté dans le jeu vidéo. Elite et Rescue on Fractalus!, par exemple, y avaient déjà recours en 1984. Mais, dans le sillage de Minecraft, elle semble partie pour prendre une nouvelle dimension grâce aux indépendants qui s’en saisissent notamment parce qu’elle permet à de petites équipes à donner naissance à des mondes à la fois étendus et variés. D’ici quelques mois nous arrivera ainsi l’alléchant jeu d’exploration The Witness du gourou indé Jonathan Blow (Braid). Un peu plus tard, ce sera au tour de No Man’s Sky, le mystérieux jeu d’aventures spatiales du studio Hello Games fraîchement annoncé. Et qui fait très envie.
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