Clubbing, événements, conférences, émission de radio… Le collectif parisien célèbre le métissage et l’hybridation et “crée des espaces inclusifs dans lesquels toutes les identités sont les bienvenues ».
Nous sommes dans le club d’avant-garde Le Chinois, dans le bas Montreuil. Un beat de voguing retentit et un jeune homme – que les aficionados auront immédiatement identifié comme le mannequin Shaun Ross – monte sur scène, attrape un micro, pose sa voix sur la musique puis se jette dans le public qu’il divise en deux avant de se lancer dans un battle digne d’une ballroom.
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Bienvenue à La Creole, une soirée lancée par le collectif éponyme, qui milite pour le concept de créolité. « L’interpénétration des cultures », dixit Fanny Viguier, photographe, plasticienne et cofondatrice des soirées, vise un métissage des plus vastes dans lequel le voguing, intersectionnel et lié à la notion de diaspora, vient tout naturellement se glisser. Célébrant l’hybridité ces fêtes proposent un dialogue entre les musiques issues des cultures créoles, afro, latino, caribéennes et la culture clubbing européenne. On va du kompa au zouk en passant par l’afrobeat et la house en toute fluidité.
“Le mélange et la rencontre”
Pour le collectif, le croisement des genres ne se limite pas à l’aspect festif. En 2015, Fanny Viguier et son acolyte le designer Vincent Frédéric Colombo lance l’exposition Creole Soul, qui sera présenté à la BNF l’année suivante. Entre mode et photographie, ils mettent en avant le vestiaire folklorique et régional des Antilles, et le revisitent pour défaire une imagerie coloniale et penser une nouvelle modernité dans les représentations genrées locales.
En 2017, le duo est rejoint par le réalisateur Geoffrey Cochard et par Steven Jacques issu, lui, du milieu de la mode. Ensemble, ils montent le projet Creole by Creole Soul, une seconde exposition à la boutique-galerie Trippen, où ils exposent une cinquantaine de portraits représentant une jeunesse issue de près ou de loin de la créolité. Dans leur démarche, ils citent Edouard Glissant et son Traité du tout-monde prônant une vaste hybridation culturelle, un brassage des cultures. « Notre pensée de la créolité veut dire le mélange et la rencontre… La créolité étant précisément née du mélange des quatre continents », disent les membres du collectif.
Ce quatuor organise et prend part à des débats sur des questions ethniques et sociales actuelles
Chaque mois, ils animent une émission sur la webradio Rinse.fr où le zouk, le dancehall ou tout autre mouvement musical afro-descendant est l’objet d’un débat, suivi d’un DJ set illustratif. Ce quatuor organise et prend part à des débats sur des questions ethniques et sociales actuelles ; ce fut notamment le cas avec une conférence organisée lors de la Trax Convention, un événement monté par le magazine musical Trax.
Voguing et mode
Quant au milieu du voguing, il n’est donc jamais bien loin. Vincent Frédéric Colombo fait partie de la scène ballroom et est membre de la House Of Mizrahi (comme Kiddy Smile) ; leur danseur ambassadeur Snake Ninja, lui, vient de la House Of Ninja. MC Matyouz et le DJ résident Lady Flow appartiennent, eux, à la House Of LaDurée. « Notamment grâce à la présence de Vincent dans le collectif, La Creole a fédéré de nombreux clubs de kids et danseurs de la scène parisienne de ballroom. L’occasion d’entendre ces beats d’afro-voguing propres à la France », explique Lissia Benoufella, danseuse de voguing et waacking, plus connue sous les nom de Habibitch ou Ari De B.
« Le vêtement est identitaire, performatif, c’est un moyen supplémentaire de raconter qui l’on est » Fanny Viguier
La mode est aussi une composante essentielle de leur vision : « Le vêtement est identitaire, performatif, c’est un moyen supplémentaire de raconter qui l’on est », dit Fanny Viguier au sujet des looks très élaborés que l’on voit lors de chaque soirée. Dans le même esprit, La Creole a animé l’after-show d’ouverture du festival de Hyères, et, lors de la fashion week masculine fin juin, elle coorganisera un défilé pour le label nigérian Wekafore en partenariat avec Asics suivi d’une fête en son honneur. « Le but est de créer des espaces inclusifs qui célèbrent la diversité et dans lesquels toutes les identités sont les bienvenues tant qu’elles expriment un respect de l’autre », souligne Fanny Viguier.
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