Pour célébrer cette décennie de tous les possibles, Arte diffuse une masse imposante de fictions, concerts et documentaires.
Après s’être penché les deux derniers étés sur les années 70 et 80, Arte prolonge son rituel nostalgique en bouclant sa rétrospective sur les bouleversements qui ont secoué le paysage culturel et musical depuis l’apparition de la pop culture.
Avec les années 60, on entre dans une mythologie tellement balisée que l’effet de surprise sera peut-être relatif : les destins d’Elvis Presley (le 25 juillet et le 15 août), Brigitte Bardot (le 8 août), Janis Joplin (le 22 juillet) ou James Dean (le 15 juillet) ont-ils encore matière à surprendre ?
Pourtant, outre qu’une partie des jeunes téléspectateurs découvrira des pans d’une épopée pour eux mystérieuse, le spécialiste le plus échevelé des sixties pourra trouver son compte dans la masse imposante de fictions, concerts et documentaires. De la série Le Prisonnier aux films de Demy (Les Demoiselles de Rochefort, le 22 juillet) et Godard (Pierrot le fou, One + One, le 19 août), du concert de Bob Dylan à Newport (le 8 juillet) à celui d’Elvis faisant son comeback en 1968, la cartographie des années 60 expose des passages obligés que l’on emprunte sans lassitude, tant ils irriguent encore la culture d’aujourd’hui.
L’un des traits distinctifs de cette décennie se joue en partie sur la porosité entre culture contestataire et ce qu’on appellerait désormais le mainstream, entre musique pointue et populaire, cinéma d’avant-garde et cinéma du centre… Par-delà le contexte social et politique – la croissance d’après-guerre, la révolution des mœurs, la contestation des autorités, l’invention de la jeunesse comme catégorie sociale déterminante –, la révolution des années 60 fut ce moment où les ruptures esthétiques se doublèrent de la consommation de masse des œuvres.
Si Arte laisse de côté quelques sentiers créatifs parallèles incarnés, par exemple, par Nino Ferrer, Burt Bacharach ou John Barry, il faut reconnaître que les icônes et les mouvements artistiques que célèbre la chaîne résument pour une grande part la décennie : celle où, comme le rappelle l’éternelle incarnation du rock à la télé Philippe Manœuvre, a eu lieu “le big bang de l’industrie pop”, celle où les aventuriers qui prenaient des risques furent souvent récompensés en disques d’or ou en palmes du même métal.
Composé de soirées thématiques, le cycle Summer of the 60’s navigue entre rêve américain, plages californiennes, figures du jeune rebelle, filles des sixties, swingin’ London, Nouvelle Vague, mods et rockers, chanteurs yé-yé…
Le voyage débute le jeudi 1er juillet avec un passionnant documentaire de Clara et Robert Kuperberg, Surf Now, Apocalypse Later, sur la surf culture qui déferle au son des Beach Boys : une insouciance, captée par les surf movies de l’époque, qui vire au désenchantement avec le Vietnam.
Du côté anglais, on regardera avec les yeux toujours écarquillés les fascinantes images d’archives de la scène musicale de ces chic années, parfaitement analysée par Philip Priestley dans British Blues Explosion (le 19 août), riche en documents rares mettant en scène les Animals, les Stones, les Beatles, les Yardbirds, les Pretty Things, tous fiers de rendre la musique noire à l’Amérique blanche : un document précieux complété par d’autres films (le 5 août, The Beatles – De Liverpool à San Francisco, et Birth of Pop commentée par Paul Weller).
Les sixties hexagonales restent dominées par les figures de la Nouvelle Vague et par les demoiselles (de Rochefort et de Paris), dont l’impeccable Françoise Hardy, joliment portraiturée par Jean-Pierre Devilliers (le 22 juillet). A elle seule, elle incarne cette époque : trouble, élégante, cool, libératrice, gaie par ici et triste par là. Avec Françoise Hardy, qui en fut l’idole, les plages graciles des années 60 vibrent encore sous les lourds pavés des quatre décennies suivantes…