Le Ministère des Affaire étrangères annule la tournée dans les Centres Culturels Français d’une pièce revenant sur les massacres coloniaux français.
Cela fait plusieurs années que le metteur en scène Thierry Bédart s’intéresse aux artistes malgaches et de l’Océan Indien. C’est lui qui nous fit découvrir Alain-Kamal Martial, originaire de Mayotte et auteur d’Epilogue des noyés, en 2006 à La Réunion. Rien d’étonnant, donc, à ce qu’il ait voulu mettre en scène 47, un texte de Jean-Luc Raharimanana qui revient sur l’insurrection malgache contre la colonisation française en 1947, monté avec une équipe française et malgache. Créé à Tananarive (Madagascar) en septembre dernier, avant une tournée française à l’automne 2008 (les Francophonies de Limoges, Blois, Annecy…), 47 devait partir dans l’Océan Indien et l’Afrique australe début 2009. Soutenu dès l’origine par Culturesfrance, il avait reçu un avis favorable pour une tournée. Las, le ministère des Affaires Etrangères en a interdit sa diffusion dans les Centres Culturels Français, au motif non avoué qu’il serait malvenu de revenir sur un massacre dont la France post-coloniale ne veut toujours pas entendre parler publiquement, mais refuse de se justifier ou de reconnaître les faits et laisse sans réponses les lettres envoyées par Jean-Luc Raharimanana et Thierry Bédart à Bernard Kouchner et aux directions concernées.
Comment peut se justifier une censure d’Etat, même et surtout lorsqu’elle ne dit pas son nom ? Pour quelle raison la direction générale de la DgCID (Direction générale de la coopération internationale et du développement) a-t-elle exigé de retirer 47 des propositions de programmation dans les CCF ? Car la question reste entière : « Pourquoi en 47, deux ans après le carnage, deux ans après le « plus jamais ça », pourquoi à Madagascar s’est perpétré l’un des plus grands massacres coloniaux ? Un massacre commis par les vainqueurs du nazisme ? »
Un massacre qui fit entre 11000 et 90000 morts (sans commentaire…) et fut suivi d’années de négation, de silence, de destructions d’archives, sans qu’aucun procès ne vienne jamais faire la lumière, sauf pour les Malgaches, bien sûr, « coupables pour avoir refusé l’injustice du colonialisme ».
Pour Thierry Bédart, tout cela est d’une légèreté insupportable vis-à-vis de ce drame qu’est 47 : « Et vis-à-vis des Malgaches. L’arrogance de la France en 47, dont parle l’auteur dans Silence sur 47 est la même en 2008. Et je repense ainsi à tous les anciens combattants que j’ai rencontrés à Tananarive. A Félix, 86 ans, qui a tant souffert dans sa chair sous la torture et qui serait encore étonné que des « wahaza » le méprisent à ce point, lui qui s’est simplement battu pour la liberté, de tous… Juste un commentaire : mon milieu professionnel va hurler à la liberté d’expression, ce dont je me fous totalement, d’autant plus que le sujet que je travaille rend ridicule ce type d’argument. Par contre, le vrai endroit critique, c’est bien de raconter que là où les politiques ne veulent pas ou plus se cogner, des artistes sont prêts, ensemble, à s’y confronter. «
Constatant que « le démantèlement du réseau à l’étranger est à l’œuvre, et que le retrait de ce spectacle pose une fois de plus la question de la place que le Ministère des Affaires Etrangères souhaite laisser à la culture », le Syndeac demande, ce 19 décembre, « instamment à Monsieur le Ministre Bernard Kouchner de revenir sur cette décision, qui entache d’un acte de censure la France et le monde francophone. »
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