Mêlant humour et actualité, les “late night shows” à l’américaine font rêver les programmateurs français. Sur la TNT, les tentatives se multiplient. La greffe du “late night” est-elle possible?
David Letterman, Jay Leno, Jon Stewart, Craig Ferguson… Autant de noms qui reviennent ces derniers temps comme une litanie dans le paysage télévisuel français.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Car si les humoristes s’inspirent ouvertement du stand-up depuis une dizaine d’années, les chaînes de télé hexagonales lorgnent de plus en plus du côté des networks américains.
Et pour cause : la France ne possède pas encore de “late show”, devenu pourtant un format international. Soit une émission diffusée tard dans la soirée où l’animateur reçoit des invités dans un esprit mêlant actualité et humour, le tout étant très écrit.
L’idée traîne de fait dans les tuyaux des chaînes depuis un bon moment, ce que nous confirme Bruno Gaston, directeur des programmes de France 4 (sur le départ) : “Depuis un moment, toute la télé ne parle que de refaire le Daily Show de Jon Stewart, c’est devenu presque une rengaine.”
Rien que cette année, deux nouveaux late shows sur la TNT
Pour l’instant, ce sont les chaînes du câble et de la TNT qui font office de laboratoire. L’an dernier, Mustapha El Atrassi sur NRJ12 et Yassine Belattar sur France 4 avaient lancé leur propre show. Cette année, c’est au tour de Pierre Lescure avec Tôt ou tard sur Paris Première et d’Arthur (Ce soir avec Arthur) sur Comédie ! de se lancer.
Rendez-vous est pris donc avec Pierre Lescure. Il nous avoue rêver de ce projet depuis longtemps :
“En voyageant aux Etats-Unis dans les années 1966-67, j’avais été impressionné par Johnny Carson, dont le ton était une sorte de mélange entre Les Nuls et Saturday Night Live. Et à l’époque, travaillait avec lui un jeune assistant qui s’appelait David Letterman.”
Pierre Lescure reprend donc les principaux codes du late night (monologue du début, sketch en forme de “Top 5”) et reçoit des artistes. Le but : s’éloigner de la promo pour avoir une conversation la plus intime (et drôle) possible. On peut ainsi voir Jean d’Ormesson mettre une fausse moustache et Jonathan Lambert dessiner sur le canapé.
Un ton plutôt bon enfant et chaleureux, que Lescure estime essentiel : “Le late show déroule des aspects des personnalités sous un angle peu coutumier. L’invité doit se sentir suffisamment à l’aise pour raconter des choses qu’il n’aurait pas racontées autrement.”
Mais si les petites chaînes permettent de tester des nouveaux formats, leur budget réduit empêche souvent les essais de se montrer concluants. D’autant que l’efficacité des late nights est obtenue grâce à des moyens généralement pharaoniques. Lescure tourne ainsi six émissions d’affilée au détriment parfois de l’actualité, car la production a préféré soigner le décor.
Sans compter que selon lui, ce type d’émission n’est pas vraiment adapté à un rythme hebdomadaire. “C’est au quotidien qu’on peut vraiment installer un ton. L’émission de Taddéi sur France 3 en est un bon exemple : c’est une ambiance, une qualité de débat qu’on aime plutôt que tel ou tel plateau.”
Rien n’est laissé au hasard
Sur Comédie !, changement d’ambiance. Sur un plateau à l’américaine, Arthur livre un show déjanté qui s’ouvre par des marionnettes et met en scène un panda qui joue du piano. Des comiques issus du Jamel Comedy Club viennent faire des sketches avec l’invité, Amelle Chahbi en fausse racaille pour Ramzy ou Claudia Tagbo en fausse candidate de Nouvelle star pour Philippe Manoeuvre.
Mais l’émission vient à peine de démarrer qu’elle est déjà l’objet d’une polémique pour plagiat : Craig Ferguson, l’animateur d’un late show sur CBS, s’est moqué dans son show de l’animateur français en pointant la ressemblance plus que troublante entre le générique des deux émissions
Influence trop poussée ? En tout cas l’animateur serait plutôt content de ce coup de projecteur inespéré venant d’une des plus grandes chaînes américaines.
Car si l’ambiance du show est décomplexée et sans prétention, les ambitions de l’équipe à terme sont bien de mettre au point une machine suffisamment efficace pour être diffusée tous les soirs à partir du mois du janvier.
De fait pour l’animateur de TF1 qui s’est mis à la scène il y a cinq ans, l’énergie vient d’abord d’une préparation de A à Z où rien n’est laissé au hasard.
“On construit l’interview avec l’invité. Quand je reçois Alain Delon, je discute avec lui avant, et on décide ensemble qu’il va raconter telle anecdote qu’il n’a jamais dite.”
Un travail sur le texte décisif que chapeaute Benjamin Morgaine (par ailleurs un des auteurs d’Une minute avant sur Canal+) “On ne sera jamais meilleur qu’une bande-annonce pour promouvoir quelqu’un. Il faut donc écrire au maximum pour avoir de l’impact.”
Scénariser l’émission : soit l’exact inverse de la culture française du talkshow qui cherche à faire de l’audience à coups de “dérapages”. Sauf que ceux-ci se font de plus en plus rares et que l’intérêt du public faiblit. Mais faut-il pour autant adapter le late show à la sauce française ?
Stéphane Simon, producteur et fondateur de TéléParis en doute : “Le modèle américain est quasi impossible à reproduire. On est dans une dimension hollywoodienne : les plus grands réalisateurs travaillent pour la télé, Scorsese a tourné pour HBO, les agents des acteurs collaborent avec les auteurs des late shows… Mieux vaut prendre quelques recettes, sans chercher à tout refaire à l’identique.”
Sans compter une autre différence culturelle majeure : contrairement aux Américains, les auteurs français n’ont pas l’habitude de travailler en “pool”. Stéphane Simon : “Sur Salut les Terriens, trois auteurs travaillent ensemble pour écrire les vannes d’Ardisson. Mais c’est parce qu’ils se connaissent depuis longtemps. Si on leur mettait Baffie, ils refuseraient !” Le late show serait-il aussi difficilement exportable que le rock ? Wait and see.
Marjorie Philibert
{"type":"Banniere-Basse"}