Après Canal Bus, Action discrète s’empare du format long avec Les Zozos migrateurs, série documentaire plus proche de Very Bad Trip que Des racines et des ailes.
“Les vieux ne durent pas. En humour comme en rock’n’roll, il faut rester éphémère. Regarde les L5”, nous confiait Sébastien Thoen du temps de Canal Bus, la dernière pastille d’Action discrète. Depuis, “Seb”, le burlesque exalté, n’a pas changé. Idem pour ses amis : Julien Cazarre, champion du sport national (le sarcasme), et Thomas Séraphine, l’impassible binoclard aux cheveux bouclés.
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C’est pour lutter contre les “petites pannes” de ce dernier que le trio s’envole dans le pays du kamasutra : l’Inde. Là-bas, ils testent tout : docteurs du sexe, pharmaciens, aphrodisiaques, guides spirituels – en glissant du parc national Rajaji à New Delhi, jusqu’aux cimes de l’Himalaya. Voilà pour le pitch du premier épisode des Zozos migrateurs, série documentaire d’une cinquantaine de minutes, dont quatre volets sont annoncés d’ici l’été prochain.
“Lâcher la caméra cachée pour aller dans des pays qui te sont inconnus”
Des carnets de voyage en forme de sortie de route pour ceux qui, depuis Sarko, privilégient les reportages-commandos. “Les Zozos migrateurs naissent d’une envie collective de faire perdurer Action discrète sur des événements plus ponctuels, des longs formats, à l’heure où les shortcoms nous gavent”, explique Thoen, conscient qu’il y a une vie après Patrick Balkany, les gauchos en pétard et les flics peu férus des hold-up d’investigation. “Quand t’as emmerdé tous les commissariats, associations et manifs de France, il est grand temps de lâcher la caméra cachée pour aller dans des pays qui te sont inconnus… et que tu n’as pas encore fait chier”, s’amuse-t-il.
Banco. Odyssée orientale vaccinée de tout misérabilisme, Les Zozos migrateurs adoptent le cadre policé du doc pour mieux servir l’irrévérence des grands ados qui l’investissent. Aux envolées gonzo d’un Antoine de Maximy, les globe-trotters privilégient une intimité de bande à la Very Bad Trip.
Du genre à zoner dans la contrée du yoga pour finalement partir se masturber dans les bois. C’est du “J’irai vomir chez vous”, du “Rendez-vous en terre in-cul-nu” et “Les Nouveaux Explorateurs revus par les blagues de Toto”, trépide Thoen.
Les embrouilleurs jouent à l’arroseur arrosé
Mais ne vous laissez pas berner par cette fausse insouciance : chez ces ersatz de Tintin, l’itinérance n’a rien d’innocente, elle renverse les rapports de force. Les embrouilleurs jouent à l’arroseur arrosé et se choisissent une victime jusqu’ici épargnée par leurs excursions : eux-mêmes.
Les voici qui se brossent en dindons de la farce, pigeons s’essayant aux us et coutumes d’un pays qu’ils fantasment. Logique de voir ces touristes en complet décalage se poser sur la branche Décalé de Canal+, là même où se “dandyne” Monsieur Poulpe (Crac Crac, le show culturel de toutes les sexualités) et le distingué Chris Esquerre (la troisième saison d’Importantissime).
“C’est du docu premier degré : notre fiction n’est pas vraie, mais on ne triche jamais”, théorise Thoen, posant sur la table cette ambiguïté qui fait le sel de leurs performances borderline. Ce concept de gag-vérité s’immisce lorsque, sous couvert de soucis érectiles, nos complices dissertent sur leur assurance vie et leur couverture maladie.
“Mon seul temple à moi, c’est le Parc des Princes”
Ces légères anicroches font écho à leur longévité à Canal. Là-bas, ils font office d’anciens combattants, de ceux qui ont connu toutes les guerres : la fin du Petit Journal, celle du Grand, les derniers grésillements du Zapping… D’où cette réjouissance à les voir porter haut les couleurs de la chaîne cryptée, tels des VRP en vadrouille.
“Mon seul temple à moi, c’est le Parc des Princes”, décoche un Cazarre en mode J+1, tandis que son pote s’introduit en tant que “Sébastien, Journal du hard”. “Tous les rigolos vieillissent, sauf Les Chevaliers du fiel évidemment, plaisante ce dernier avant de riposter : Mais t’en fais pas, y a encore des salariés à Canal ! Cette chaîne, c’est nous depuis le début et on est toujours là, les Français n’ont pas à s’inquiéter.”
Humour de résistance ? “Oui, mais face aux comédies familiales françaises et à ces blagues faciles de stand-up volées aux Américains”, se gausse-t-il. Quand on s’étonne de voir l’humour survivre à un certain boss breton, Thoen se marre de plus belle : “Parce que tu crois que Bolloré c’est pas un marrant ? T’as déjà fait un barbec chez lui ? Viens, on se fend la poire et on finit tous en slip.” Méditons sur ces saines paroles en attendant le second épisode des Zozos, certainement dirigé vers l’Amérique de Trump.
Les Zozos migrateurs Le 22 février, 22 h 15, Canal+ Décalé
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