Ce matin du 15 février, une intersyndicale (CFTC, CGC, CGT, FO, SUD) regroupant des employés de Virgin a manifesté à la cool devant les bureaux de l’administrateur judiciaire. Histoire de maintenir la pression.
Devant quatre camions de CRS, un mec des renseignements généraux (RG) avec un pull rayé douteux et une oreillette fume sa clope au début de la rue de Londres. De 11h à 12h ce matin, ces quelques membres des forces de l’ordre ne s’approcheront pas du petit attroupement formé deux cents mètres plus loin. Les gars de Virgin ne sont pas venus nombreux, une trentaine. « Il y a presque plus de journalistes que de salariés« , se poile une caissière du Virgin des Champs-Elysées qui ne commence sa journée qu’à 13h.
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« De toute façon, on venait ici pour mettre la pression et dire : « Ohé coco on est là« , explique un quinquagénaire de Force Ouvrière. Le coco en question qui a ses bureaux face aux trains de la gare Saint Lazare, c’est maitre Gérard Philippot, administrateur judiciaire en charge du dossier Virgin. Au secrétariat de Philipot, on nous informe simplement qu’il est « en rendez-vous à l’extérieur« . Bonne nouvelle néanmoins, la pression a fonctionné plus tôt que prévu. Hier, les salariés ont été informés que leur demande pour organiser un nouveau comité d’entreprise (CE) extraordinaire avait été acceptée. Le CE se tiendra le 20 février.
« Du coup pas de gros barouf aujourd’hui comme on avait fait devant chez l’actionnaire Butler le 29 janvier« , explique le chevelu Loïc Delacourt, responsable musique aux Champs Elysées et représentant du personnel CGC.
Zikos connus qui ont une grande gueule
Il n’y a pas eu d’appel à la grève non plus, le rassemblement a été programmé avant tout pour « briser le silence radio ». Pour les salariés, la direction n’est plus un interlocuteur fiable, ils suivent donc le dossier à leur façon. En allant devant chez Virgin, devant chez l’actionnaire, devant le ministère du Travail et, aujourd’hui, devant l’administrateur judiciaire.
Un collègue des Champs-Elysées nous rappelle que les magasins Virgin ne sont pas fermés contrairement à ce qu’il a pu lire dans la presse. « Déjà qu’on a une baisse des approvisionnements, si en plus les gens pensent qu’on n’existe déjà plus… Écrivez bien qu’on est encore ouvert. » Ça, c’est fait.
Sous son bonnet, Jean Damien Bastid, libraire syndiqué chez Sud, rappelle que la prochaine étape doit être la création – déjà promise – d’une « data room » : sorte d’espace virtuel où les comptes de Virgin seraient mis à disposition des repreneurs éventuels. Au passage, il signale qu’il aurait aimé « plus de soutien du côté des zikos connus qui ont une grande gueule d’habitude« . « Manu Chao avec nous !« , pouffe un disquaire estampillé CGT en entendant son collègue. Le mec CGT un peu rasta, Morgan Gouget, se fait taxer une latte de sa cigarette par le mec de Sud.
« C’est ça l’intersyndicale chez nous« , rajoute un grand mec de F.O. avec des rouflaquettes mi rousses mi blanches. Philippe Royet, est à la fois représentant syndical F.O., secrétaire du CHSCT et responsable du stock aux Champs-Elysées. Il a 23 ans de boîte. Pour lui, ce qui a changé au quotidien depuis le début de l’année c’est avant tout un manque de réapprovisionnement des petits éditeurs de musique indépendants.
« C’est toute la chaine qui est affectée, constate Philippe. Tu vois Warner ou Universal, ils peuvent encaisser une perte de 100 000 euros, pas les petits. »
Enjeu emblématique
Un syndicaliste reconnait qu’ils ont failli annuler la manif du jour, « mais bon, il y avait la presse et les élus de prévenus donc… » L’un des seuls élus toujours présent aux rassemblements des Virgin c’est le jeune trentenaire Ian Brossat, président du groupe PCF-PG au conseil de Paris. Élu dans le 18e arrondissement, il rappelle qu’il y a un magasin à la Goutte d’Or qui emploie 35 personnes.
« Ce magasin est central, à la fois géographiquement mais aussi dans la vie du quartier. De plus, l’enjeu de Virgin est emblématique de toutes les pratiques opérées par des fonds d’investissements comme Butler qui peuvent aussi bien investir dans les champignons que dans la musique. Et faire n’importe quoi ensuite. »
Les salariés attendent désormais du C.E. « de vraies perspectives et un cap clair concernant Virgin et nos 1200 emplois« , dixit le communiqué de l’Intersyndicale. Histoire de ne pas débarquer au Tribunal, le 21 mars prochain, les mains vides. Plusieurs employés reconnaissent avoir des doutes, à la fin, sur l’arrivée éventuelle d’un repreneur. Conséquence, la négociation pour des indemnités extra légales est déjà dans toute les tête.
Le type un peu rasta CGT nous expose son cas : « tu te rends compte j’ai deux gosses, je bosse au SMIC chez Virgin depuis 13 ans et actuellement, ils voudraient me filer que 2800 euros… » Le grand roux de F.O. conclut : « Ce n’est pas acceptable, on lâchera rien.«
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