En France, la transsexualité n’est plus classée au rang des maladies mentales depuis la semaine dernière. Pourtant, elle reste encore soumise à l’autorité psychiatrique, comme le dénoncent certaines associations.
En annonçant, à la veille de la Journée mondiale contre l’homophobie, que la transsexualité ne sera plus considérée comme une maladie mentale, la ministre de la Santé Roselyne Bachelot a accédé à l’une des requêtes les plus symboliques d’une communauté rompue à l’obscurité des préjugés, à l’indifférence et à la précarité. L’OMS classe toutefois encore la transsexualité dans les maladies mentales, comme elle l’a fait avec l’homosexualité jusqu’en 1990.
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“C’est une barrière qui tombe après des années de luttes, se réjouit malgré tout Anne-Gaëlle du Groupe d’étude sur la transidentité (Gest), mais la condition des trans n’est pas changée pour autant.” Car, derrière le soulagement, se profilent des inquiétudes concrètes quant à l’avenir de la prise en charge des transsexuels. Inquiétudes qu’un récent rapport de la Haute autorité de santé (rapport disponible sur le site de la HAS, www.has-sante.fr) sur la question n’a fait qu’attiser. “On n’assiste pas du tout à une dépsychiatrisation du transsexualisme puisque l’obligation d’être suivi par un psy pendant deux ans est maintenue dans le rapport. Or, nous considérons qu’il n’est pas nécessaire qu’un psy atteste que nous ne sommes pas fous pour changer de genre”, explique Joachim Fablet, cofondateur de l’association Outrans.
Pire, le rapport prévoit que pendant les trois premiers mois du suivi et avant tout traitement “le patient doit vivre en permanence dans le rôle du sexe désiré dans les activités sociales et professionnelles”. “C’est absurde et incroyablement violent de demander ça à quelqu’un qui n’est pas encore engagé dans un processus de transformation physique, qui ne prend pas encore d’hormones”, explique Joachim Fablet.
Plus largement, la philosophie du rapport est perçue par les associations comme étant dictée par les équipes médicales officielles qui, au fil des années, ont su s’attirer l’hostilité de la majorité des trans. “Ces équipes officielles autoproclamées se sont comportées comme des monstres”, raconte Hélène Hazera d’Act Up. Remarques transphobes, opérations bâclées, refus de prise en charge… Même à la HAS, on reconnaît “que les professionnels sont mal vus” et que “la chirurgie française n’est pas au niveau”. Résultat, devant un parcours de soin inadapté et perçu comme hostile, les transsexuels – ceux qui en ont les moyens – préfèrent aller se faire opérer à l’étranger où l’on procède souvent avec plus de maîtrise, pendant cinq heures au moins contre parfois à peine une heure en France. “Le but du rapport n’est que de maintenir les équipes actuelles en place”, affirme Hélène Hazera, résumant un sentiment largement partagé dans la communauté. “Nous souhaitons désenclaver les équipes, affirme pourtant Denis-Jean David, le coordinateur du rapport de la HAS, et offrir une médecine de qualité, en contact avec la communauté internationale.”
Hugo Lindenberg
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