Depuis vingt ans, Les Simpson sont le miroir acide de l’Amérique. Histoire de la série de Matt Groening.
Novembre 1989 : le mur de Berlin tombe. L’événement planétaire suivant est l’apparition des Simpson sur la Fox, le 17 décembre. Vingt saisons plus tard, notre famille moyenne favorite continue de repeindre la vie US en jaune, cumulant les records de plus longue série animée et sitcom en activité à la télé.
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Les Simpson prirent en fait vie dès 1987 sous forme de vignettes (“du Raymond Carver dessiné par Hanna-Barbera”, dira un critique) dans l’obscur Tracey Ullman Show, sous la plume de Matt Groening, dessinateur de BD underground et anar. Il imagine le pitch en un quart d’heure en attendant son futur producteur, se contentant d’attribuer les noms (Homer, etc.) d’après ceux des membres de sa famille. Le trait est alors punk et rudimentaire, mais la série s’affinera ensuite et influencera nombre de séries animées satiriques comme Beavis & Butt-Head, Daria ou South Park.
Très vite, ce miroir de l’Amérique devient un hit avec ses personnages vachards mais humains : Homer, le père stupide et prototype de l’über-consommateur US ; Bart le garnement et principe du chaos (dans lequel se projette Groening) ; Marge, la desperate housewife et centre moral de la famille ; Lisa l’écolo-féministe-surdouée de 9 ans (la voix de la raison des scénaristes de la série, invariablement à gauche et sortant de Harvard).
Consécration : Bush père déclare en 1992 que Les Simpson sont un bien mauvais exemple pour la famille. Une Bartmania saisit les années 90 et nos jaunes amis “nihilistes” – selon le producteur exécutif Al Jean – sont de tous les produits dérivés. Un succès qui n’empêche pas Homer de se moquer de la chaîne qui diffuse les aventures de sa famille : “On peut plus regarder la Fox à cause (sic) qu’ils ont des usines d’armes chimiques en Syrie.”
Deux décennies ont bien sûr embourgeoisé et émoussé Les Simpson, dont les fans hardcore situent l’âge d’or entre 1992 et 1997. Diffusée en France sur Canal+ et W9, la série persiste néanmoins dans ce qui fait sa force : un univers riche avec des seconds et troisièmes rôles indispensables, une ligne claire propice à toutes les variations, l’accueil de célébrités, de Sonic Youth à Sarkozy, de Clinton à Stephen Hawking.
C’est cette capacité de la série à être un buvard pop qui réjouit. Elle pratique la mise en abyme (la question du déclin de la série est abordée dès 1997), parle à tout le monde, du geek au cadre, des parents aux enfants. Sans oublier les clins d’œil à chaque seconde : Wittgenstein, Le Parrain, U2 ou même l’écrivain invisible Thomas Pynchon (qui fait une apparition un sac en papier sur la tête). Les Simpson sont nos contemporains permanents, si bien que les spectateurs (et les producteurs) ne voient aucune raison d’en finir avec ces personnages subversifs et attachants : on adore cet idiot d’Homer parce qu’il admire Gerald Ford, le seul président des Etats-Unis à ne pas avoir été élu puisqu’il a remplacé le démissionnaire Nixon.
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