Dans le cadre des « Football Leaks », “Mediapart” révèle que le PSG a eu recours à des critères ethniques dans ses fiches d’évaluation des joueurs. Le club a ouvert une enquête interne.
“Afrique noire”, “Antillais”, “Maghrébin” et “Français”. Voilà les catégories qu’on trouve, dans la case « origine », sur les fiches d’évaluation des jeunes joueurs, en phase de recrutement au centre de formation du PSG. C’est la petite bombe révélée par Mediapart ce 8 novembre, dans le cadre des Football Leaks. Autrement dit, aux yeux des recruteurs, on ne peut pas être originaire d’Afrique ou des Antilles et être Français. Malaise dans le monde du football.
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“Des formulaires avec des contenus illégaux”
En réaction à cette information, le PSG a confirmé “que des formulaires avec des contenus illégaux ont été utilisés entre 2013 et 2018 par la cellule de recrutement du centre de formation, dédiée aux territoires hors Ile-de-France”. Dans un communiqué, le club se défend cependant en disant qu’il s’agissait d’une “initiative personnelle du responsable de ce département”.
Mediapart ajoute aux pièces accablantes de ce dossier les propos tenus lors d’une réunion datée du 14 mars 2014, par Marc Westerloppe, recruteur au club embauché personnellement par le directeur sportif adjoint de l’époque, Olivier Létang. M. Westerloppe rejette en effet le dossier d’un joueur de 12 ans, originaire de Rouen (Seine-Maritime), Yann Gboho, en raison de sa couleur de peau : “Il y a un problème sur l’orientation du club. Il faut un équilibre sur la mixité, trop d’Antillais et d’Africains sur Paris. […] Si le recrutement a été ouvert au national [l’ensemble de la France, ndlr], c’est dommage de retrouver les mêmes profils qui sont déjà sur Paris. C’est une demande de la direction.”
Omerta interne
Cette vision du recrutement a bel et bien suscité des débats en interne, et même de sérieuses dissensions, mais elles ont toutes été étouffées. Le directeur administratif, Philippe Boindrieux, a été explicite à ce sujet lors d’une réunion du comité d’entreprise du 3 juin 2014 : “Nous n’hésiterons pas à sanctionner les salariés à l’origine d’une fuite dans la presse car il est inacceptable de se servir de la presse et de l’image du club pour arriver à ses fins.” L’omerta était donc totale, et la discrimination pouvait se faire en toute tranquillité.
Le club dément cependant que la direction était au courant de cette affaire : “La direction générale du club n’avait jamais eu connaissance d’un système de fichage ethnique au sein d’un département recrutement, ni eu en sa possession un tel formulaire.” En tout cas, ce système ne s’est pas arrêté avec le départ de Létang et Westerloppe, puisqu’un an après, il était toujours en vigueur.
“Si vous avez que des Noirs ou des Beurs, c’est très compliqué”
Le club affirme désormais qu’une « enquête interne [a été ouverte] pour comprendre comment de telles pratiques ont pu exister et décider des mesures qui s’imposent ». Un recruteur du club, interrogé par Mediapart, est en tout cas à l’aise avec ce procédé, qui semble rationnel à ses yeux : “Si vous avez que des Noirs ou des Beurs, c’est très compliqué. Quand on construit un groupe, c’est important d’avoir cette mixité et de la contrôler. Et puis, on cherchait des joueurs qui apportaient un plus au niveau de l’intelligence de jeu”. Autrement dit, le cliché des joueurs blancs « intelligents » et des joueurs noirs « physiques » perdure encore, dans les hautes sphères du football…
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