Au prétexte de les plonger dans la réalité et en se défendant de tout racolage, J’aimerais vous y voir (LCP-AN) et Politique à domicile (Dailymotion) mettent des politiques en situation.
Partager pendant huit jours le quotidien de familles vivant dans une tour HLM : telle est l’expérience vécue par quatre députés britanniques pour le compte d’une émission de real TV diffusée par Channel 4, Tower Block of Commons.
Si les résultats de l’immersion sont relativement sans surprise – les élus méconnaissent les conditions de vie des habitants – le programme, lui, témoigne de l’affinité des politiques anglais avec un exercice risqué mais auquel ils ont choisi de se livrer pour revaloriser la fonction de député.
Une démarche dont on semble encore loin en France : si les chaînes tournent autour du projet depuis des années, la télé-réalité politique a du mal à sortir des cartons. La connotation voyeuriste du concept a tendance à faire reculer des politiques français réticents à jouer le jeu de la proximité… Si le précurseur dans le domaine a été Giscard et ses dîners chez l’habitant en 1974-75, le projet a fait long feu depuis.
En 2003, TF1 avait dû enterrer 36 heures (un politique hébergé dans une famille) dont le numéro 1 avec Jean-François Copé était annoncé. Motif ? Un veto de Jean-Pierre Raffarin totalement opposé à la participation de ses ministres à l’émission…
Pourtant, aujourd’hui, les politiques qui cherchent à renouveler leur communication – Julien Dray sera suivi en permanence lors des régionales, un “live politique” – comme les directeurs de chaînes s’accordent à dire qu’il existe sans doute une “troisième voie” : montrer des hommes politiques en prise avec la “vraie vie”, tout en évitant le racolage.
En France, seuls deux programmes ont été lancés, dans une relative confidentialité : J’aimerais vous y voir sur La Chaîne parlementaire-Assemblée nationale (LCP-AN) et Politique à domicile sur Dailymotion. Des concepts pourtant innovants à l’heure où les débats politiques à la télévision sont l’objet de tous les soupçons quand est soulignée la connivence entre politiques et journalistes.
Dans J’aimerais vous y voir, lancée en septembre 2009, on peut ainsi découvrir des élus qui s’immergent une journée dans un milieu en rapport avec une thématique politique.
J’aimerais vous y voir : Nicolas Dupont-Aignan instituteur
Dans le cadre du débat sur la baisse de la TVA, Yves Cochet devient restaurateur : on le suit sur le marché de Rungis, puis dans les cuisines d’un restaurant parisien. Dans le numéro de mars, Eric Raoult se glissera dans la peau d’un aide-soignant aux urgences.
Christophe Mouton, directeur des programmes, justifie le concept de l’émission : “En tant que chaîne politique, on entend clairement se démarquer des chaînes d’info, de leur logique de “fast news” et de petites phrases. Pour cela, on a besoin de formats originaux, capables de raconter la politique autrement. Les politiques sont souvent dans le dire : les plonger dans l’action permet de les voir sous un jour nouveau.”
Alors, télé-réalité ? “Dès qu’on emploie ce mot, il y a un côté démoniaque. Je préfère ne pas employer ce terme car les notions d’enfermement, de choix ou de vote contenues dans la télé-réalité sont aux antipodes de ce que nous voulons faire.”
Du côté de Politique à domicile, une émission produite par Aftermedia et diffusée sur Dailymotion, on prend également ses distances pour éviter toute connotation “Endemol”, et ce dès le sous-titre de l’émission : “Et si la télé-réalité avait un sens ?” Le concept : un homme politique passe quelques heures chez des gens pour discuter avec eux de sujets définis à l’avance, sans connaître les questions exactes. Le premier numéro montrait Vincent Peillon s’invitant pour le café chez des trentenaires parisiens. Une émission qui a totalisé plus de 220 000 pages vues, témoignant de l’intérêt du public.
On a eu de la chance : la mise en ligne de l’émission a coïncidé avec le clash Peillon-Royal à Dijon, ce qui a contribué au buzz”, explique Stéphane Santini d’Aftermedia.
Il témoigne de la difficulté de naviguer entre l’attractivité indispensable pour faire un magazine et la sobriété nécessaire pour ne pas faire fuir les élus. “L’anti-bling-bling est le mot d’ordre de cette émission. On n’a pas envie de faire Les Visiteurs, comme amener Besancenot chez une famille du XVIe ! Pour autant, après un premier numéro un peu calme, on n’exclut pas de mettre en place des mécaniques différentes.” On l’aura compris, on est encore très loin de La Ferme célébrités…
Photo : Vincent Peillon s’invite pour le café chez des trentenaires parisiens dans l’émission Politique à domicile sur Dailymotion.