Une fête organisée illégalement dans une piscine d’un quartier privé de McKinney au Texas a mal tourné quand un policier blanc a violenté une jeune fille noire de 14 ans. Cette affaire relance le débat sur la ségrégation qu’encourageraient les piscines privées américaines.
« Comment peut-on passer d’une journée piscine à ÇA ?« , s’est demandé le présentateur de late-show Jon Stewart le 9 juin 2015. Quatre jours plus tôt, un policier blanc texan, Eric Casebolt, avait été filmé en train de brutaliser une jeune fille noire de 14 ans en maillot de bain, la plaquant violemment au sol. Alors que des jeunes se rapprochaient pour lui porter secours, le policier a sorti son arme et l’a pointée sur eux.
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Les force de l’ordre avaient été appelées dans un quartier résidentiel privé de McKinney au Texas appelé Craig Ranch, par des habitants qui considéraient que des jeunes gens (en majorité noirs) avaient pénétré dans l’enceinte de la piscine privée de Craig Ranch, alors qu’ils n’en avaient pas le droit.
A l’inverse, certains jeunes ont affirmé qu’ils disposaient d’un pass pour entrer cette piscine, comme Tatyana Rhodes, la jeune fille de 19 ans qui avait organisé une fête avec sa mère. Filmée le jour des événements par un jeune homme présent sur les lieux, elle souligne que des adultes blancs l’ont insultée en lui disant qu’elle devait “retourner d’où [elle] vient”.
Quand la police est arrivée sur les lieux, le policier Eric Casebolt a été filmé en train de courir dans tous les sens pour attraper des jeunes Noirs, multipliant les cascades (moquées par Jon Stewart) et hurlant des ordres incohérents (ordonnant à des personnes déjà assises de “s’asseoir immédiatement”).
*barrel rolls across the TL* pic.twitter.com/czCcbshtBG
— Inspector Ratchet (@DrunkenNo_Odle) 7 Juin 2015
La violence policière et la violence de l’exclusion
A cause des preuves vidéo accablantes, le policier a dans un premier temps été mis à pied, avant de « démissionner » le 9 juin, selon son avocat. Le chef de Casebolt a également déclaré qu’il avait « douze policiers sur place et onze d’entre eux se sont comportés comme le veut leur formation« , avant de préciser que “comme la vidéo le montre, [Eric Casebolt] était incontrôlable pendant l’incident”. Pour autant, le mal est fait. Pas seulement à cause de la violence du policier, mais aussi de celle que les adolescents noirs ont rapportée, celle des personnes blanches présentes.
« Je pense que pas mal de parents ont été énervés qu’un tas de gamins noirs qui ne vivent pas dans le quartier soient dans cette piscine », a déclaré Brandon Brooks, l’enfant blanc de 15 ans qui a filmé la vidéo, à Buzzfeed. Il a affirmé qu’un grand nombre d’élèves étaient entrés dans la piscine avec des « pass invités » tandis que d’autres camarades de classe ont effectivement sauté au-dessus des barrières.
Plusieurs résidents de la banlieue privée de Craig Ranch ont tenu à donner une version différente des faits sur Facebook, expliquant que la mère de Tatyana Rhodes n’avait pas l’autorisation d’organiser une fête dans la piscine de ce quartier privé. L’existence de la fête, organisée pour célébrer la fin de l’année scolaire, avait été partagée sur Twitter, comme l’a noté le journaliste local Zahid Arab. Sur le flyer, il est fait mention d’une « entrée gratuite », de quoi donner envie à de nombreux adolescents d’y participer.
The pool party was advertised on social media. Homeowners say none of the nearly 70 people were allowed to be there pic.twitter.com/pZZy9htEK3 — Zahid Arab (@ZahidArabFox4) 7 Juin 2015
La ségrégation des piscines
Ce 5 juin, Eric Casebolt aurait commencé à s’agiter à la suite d’une bagarre qui a explosé lorsqu’une femme blanche, habitante de Craig Ranch, a insulté des jeunes adolescents noirs en leur disant de « retourner dans leur HLM » (« go back to Section 8 Housing » en anglais, qui fait référence à un amendement de 2008 censé aider les locataires ayant peu de moyens à se loger, en payant une partie de leur loyer dans des appartements conventionnés).
D’après the Atlantic, qui a publié un long papier intitulé « McKinney, le Texas et l’histoire raciale des piscines américaines« , McKinney est l’une des villes dont la population croît le plus rapidement aux Etats-Unis. Elle est séparée par une autoroute (Highway 75). A l’ouest de cette route, 86 % de la population est blanche, tandis qu’à l’est de la route, « seuls » 49 % est blanche.
En 2009, la ville de McKinney a perdu un procès alors qu’elle était accusée de bloquer le développement d’immeubles conventionnés « Section 8 housing » dans la partie ouest de la ville, majoritairement blanche. Craig Ranch, où la fête du 5 juin avait lieu, est située à l’ouest de McKinney. La piscine de ce quartier est privée, ce qui constituerait le principal problème de cette affaire pour The Atlantic.
Dans les années 1950, les piscines étaient au cœur des combats pour la déségrégation. Le journal américain rappelle qu’en 1957 dans la ville de Marshall au Texas, un procès avait été intenté par un jeune homme afin que le gouvernement autorise l’ouverture d’une piscine publique aux Noirs. Au lieu d’accepter la déségrégation, les habitants de Marshall avaient majoritairement voté pour que la piscine soit vendue à un groupe privé qui puisse n’en autoriser l’utilisation qu’aux Blancs.
En 50 ans, le nombre de piscines privées aux Etats-Unis est passé de 2 500 à 4 millions. Dans son livre Contested Waters : A social history of swimming pools in america, l’historien Jeff Wiltse, toujours cité par The Atlantic, analyse:
« Si de nombreux Blancs ont abandonné les piscines publiques déségréguées, la majorité n’a pas arrêté de nager. A la place, ils ont construit des piscines privées plutôt que de financer des piscines publiques, parce que les privées leur permettaient de contrôler la composition des nageurs en fonction de leur classe et de leur race, ce que ne leur permettent pas des piscines gratuites. »
Même si ce vendredi à Craig Ranch, certains adolescents vivaient dans le quartier et disposaient de pass valides, le fait que d’autres n’avaient pas « le droit » de pénétrer dans la piscine a suffi à motiver les habitants à appeler la police pour les faire sortir.
« S’ils avaient vraiment un problème, ils auraient au moins pu me parler à moi, l’adulte, qui était présente pendant cet événement. Ils auraient pu me dire ‘on ne veut pas ces enfants’ et je m’en serais occupée. Pas tout de suite avoir recours à des solutions extrêmes« , a conclu la mère de Tatyana Rhodes, organisatrice de la fête.
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