Les ossements de Lisa Gherardini auraient été retrouvés mardi 17 juillet à Florence. L’occasion de faire un panorama des différentes théories entourant La Joconde, l’œuvre d’art la plus connue au monde.
« Énigmatique », « ambiguë », « insondable », La Joconde est un aimant à adjectifs qualificatifs qui font mystérieux. Pourtant, parler de son sourire ou de son regard équivoques revient aujourd’hui à balancer de grosses banalités.
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Le tableau de Léonard de Vinci a beau être le plus connu du monde, rares sont ceux qui, parmi les millions de touristes et autres visiteurs qui lui rendent visite au Louvre, le regardent vraiment. L’exemple le plus parfait en est la salle où elle est exposée : tous les jours, à toute heure, des centaines de personnes s’y bousculent non pas pour l’admirer (difficile derrière le verre pare balles et le large périmètre de sécurité) mais pour la prendre en photo ou pire, se faire prendre en photo avec elle, c’est à dire, dos au tableau.
Reste que La Joconde, la vraie, cette icône immortelle en opposition à l’objet consommable à l’infini (combien de reproductions, magnets et autres porte-clefs ?), a trait à l’incompréhensible : qui ? quoi ? pour qui ? Et surtout pourquoi cette œuvre est-elle devenue la plus connue de toute l’histoire de l’art ?
Parmi les théories entourant cette « déesse sous-marine » comme la qualifiait Kenneth Clark, grand spécialiste de Léonard de Vinci, voici les plus courantes:
LA JOCONDE = LISA DEL GIOCONDO
C’est l’hypothèse la plus connue, celle qui donne son nom au tableau. Elle nous vient du célèbre biographe d’artistes (et parfois gros mytho*) Giorgio Vasari. Ainsi s’agirait-il de Lisa Gherardini, jeune femme issue d’une famille modeste et épouse du marchant de soie Francesco del Giocondo dont la famille aurait entretenu des liens avec Léonard.
LA JOCONDE = PACIFICA BRANDANI
Autre piste : la rumeur selon laquelle Léonard de Vinci réalise ce tableau à la demande expresse de Julien de Médicis. L’historien Roberto Zapperi conclut que derrière Mona Lisa se cache Pacifica Brandani, maîtresse de ce dernier, morte en couche en lui donnant un fils illégitime. Ce portrait serait donc pour cet enfant qui n’aura jamais connu sa mère et dont l’histoire fait étrangement écho à celle du peintre.
LA JOCONDE = LEONARD DE VINCI
Lillian Schwartz, historienne américaine, affirme elle que La Joconde est en fait un autoportrait féminisé de Léonard de Vinci himself. Théorie appuyée par d’autres (Freud?), selon lesquels Mona Lisa ne serait autre que la défunte mère du peintre.
LA JOCONDE = UN PEU TOUT LE MONDE
Ont également été évoquées : Catherine Sforza, duchesse de Forli et Imola, sa cousine, Isabelle d’Aragon, duchesse de Milan. La napolitaine Isabelle Gualanda ou Isabelle d’Est.
LA JOCONDE = L’AMANT DE LEONARD DE VINCI
Dernière théorie en date : celle de Silvano Vincenti selon qui le vrai modèle aurait été Gian Giacomo Caprotti, aka Salai, muse, élève, disciple et potentiel amant de Léonard.
LA JOCONDE = UN SOURIRE
Beaucoup se sont focalisés sur son regard et son sourire. Certains n’ont ainsi pas hésité à évoquer de l’asthme, une paralysie faciale, un problème de mâchoire dû au stress des longues poses ou un contentement dû à la maternité. Le rictus de la dame pourrait aussi avoir été causé par la venue pendant la pose de chanteurs et de bouffons spécialement mandatés pour effacer la mélancolie d’un visage de femme torturée. Enfin, ultime théorie : celle selon laquelle en la tournant à 90 degrés, la bouche de La Joconde formerait en réalité un dos d’homme nu.
Dans son Guide de l’amateur au Musée du Louvre (1882), Théophile Gautier écrit :
La Joconde ! Sphinx de beauté qui sourit si mystérieusement dans le cadre de Léonard de Vinci et semble proposer à l’admiration des siècles une énigme qu’ils n’ont pas encore résolue, un attrait invincible ramène toujours vers toi !
Quelle fixité inquiétante et quel sardonisme surhumain dans ces prunelles sombres, dans ces lèvres onduleuses comme l’arc de l’Amour après qu’il a décoché le trait! Ne dirait-on pas que la Joconde est l’Isis d’une religion cryptique qui, se croyant seule, entr’ouvre les plis de son voile, dût l’imprudent qui la surprendrait devenir fou et mourir! Jamais l’idéal féminin n’a revêtu de formes plus inéluctablement séduisantes.
Attrait invincible, « méchanceté hypnotisante » (pour Michelet), afin d’un peu mieux comprendre le tableau, le mieux est encore d’écouter Daniel Arasse, grand historien de l’art, qui expliquait en 2003 sur France Culture (et dans Histoires de peintures) comment et pourquoi La Joconde avait mis 20 ans à devenir une de ses œuvres préférées :
* Pour exemple, Vasari rapporte que les sourcils de La Joconde sont peints poil par poil, alors que celle-ci n’en a pas.
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