En perte de vitesse, les grandes stations musicales sont en quête de nouveaux modèles, tournés vers l’interaction avec… l’internet.
Ce paradoxe résume l’époque : plus la musique se diffuse et trouve de nouvelles voies de circulation, plus les professionnels enragent. Dématérialisée, leur matière première leur échappe. L’industrie du disque et les tourneurs ont déjà tenté de réagir en révisant leur fonctionnement. En vain. Nouveau champ en proie au doute : les radios musicales, dont les récentes études de Médiamétrie ont montré qu’elles ne sont plus en phase avec le public. Elles ont surtout sous-estimé l’éventail des pratiques alternatives : iPod, téléchargement légal ou illégal, sites d’écoute illimitée, webradios, radios personnalisables, etc
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“Hits music only” (Slogan de NRJ), pour moi, c’est Deezer”, soulignait le consultant en études radio Yves Malbrancke. Les musicales pleurent l’évaporation de 1,4 million d’auditeurs en six ans, dont 850 000 pour NRJ. Seule Skyrock résiste, portée par Difool et un excellent réseau internet. Au-delà de cette remise en cause de la captation traditionnelle de l’auditeur et de l’idée de linéarité d’écoute, c’est une certaine conception de la radio qui est aujourd’hui battue en brèche. Celle qui fait du média hertzien une machine marchande
soumise à des règles pseudo-scientifiques : chansons vecteurs de marketing, part minimale laissé à l’humain ou conditionnement des auditeurs (Rihanna diffusée 37 000 fois en 2008). “Les musicales retrouveront leur audience quand elles ne ressembleront plus à un iPod, assure Bruno Witek, consultant pour OÜI FM. Les auditeurs veulent un retour au contenu, la personnalité des animateurs redevient importante. On ne peut plus aujourd’hui formater à l’extrême ni segmenter à outrance. Il faut faire attention à la diversité.”
C’est sur ce terrain de la créativité que les fréquences plus modestes ont une carte à jouer. Même si leur particularisme reste un repère. “FG et Nova sont des radios de niche avec une promesse très claire, observe Yves Malbrancke. Considérées comme des références, elles ont un ancrage fort et un public. Ceux qui viennent sur leurs ondes savent pourquoi et ont moins besoin d’aller fureter sur l’internet.” Chez Nova, pas de plan pour parer à une volatilité présumée plus forte. La radio joue sur ses acquis et sur sa réputation d’avantgarde musicale. “Notre identité, c’est le défrichage, assure son directeur Bruno Delport. Nous sommes à la fois un filtre et un amplificateur. Nous proposons aux auditeurs quantité de titres qu’ils ne connaissent pas et donc ne peuvent découvrir ailleurs, au moins au départ.” D’autres stations vont miser sur la souplesse potentielle de leur grille ou la légèreté de leur équipe, garantes d’une réactivité salvatrice.
L’interconnexion avec le net est plus que jamais un passage obligé, surtout quand on veut devenir un média global. Interaction, voilà le maître mot au Mouv’. “On cible un public curieux, donc naturellement porté vers le web, commente son directeur Hervé Riesen. Mais lui proposer des programmes compatibles avec ses pratiques est un gros challenge. Nous avons par exemple installé sur notre site un player permettant l’arrêt momentané de l’écoute. Une nouvelle émission, Le Mouv.com va développer tous les échanges possibles entre le site et l’antenne. Nous allons aussi augmenter notre présence sur de nombreuses plates-formes.”
Sur OÜI FM, même souci du numérique. We Love MySpace, une émission de l’emblématique Dom Kiris, offrira aux groupes repérés sur le site une audience accrue (interviews, entrées dans la play-list, sessions en acoustique, etc.). Un partenariat inédit et naturel, dont on se demande comment il n’a pas émergé plus vite, ou ailleurs…
Pascal Mouneyres
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