A l’occasion d’un dialogue avec le président du Sénat Gérard Larcher, lundi 2 mars, le philosophe Alain Finkielkraut a tenu à rappeler que pour lui, « le rap n’est pas seulement l’expression de la haine, mais l’apologie du fric facile », perpétuant ainsi la longue tradition comme quoi, il est bon en France de « taper » sur cette musique.
« Le rap n’est pas seulement l’expression de la haine, mais l’apologie du fric facile. Bien sûr, la télévision joue son rôle, mais ce n’est pas la République ! La République a tort de ne jamais oser dire ce qu’est le rap : des harangues en guise de rengaines, la prédication de la haine, ce que personne n’ose dire parce que c’est un art qui vient des banlieues… Nous sommes tétanisés devant le phénomène qui devrait au contraire nous trouver résolus à le combattre : voilà L’identité malheureuse. »
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Alain Finkielkraut n’aime pas le rap, il l’a réaffirmé le 2 mars lors d’une discussion avec Gérard Larcher, président du Sénat. Pourquoi ? On ne sait pas trop. Le philosophe reprend ainsi une antienne aussi vieille que le rap. Retour sur 25 ans de lutte, bien souvent ridicule.
1991 : Charles Ehrmann contre le rap dans sa globalité
Le député UDF Charles Ehrmann lance la première pierre et s’émeut des subventions allouées par le ministère de la Culture au hip-hop :
« Si l’on considère en effet […] qu’en règle générale les bandes pratiquant le tag, le rap et la culture hip-hop professent, par leurs paroles et leurs actes, un racisme anti-blanc et un antisémitisme virulents, cette subvention serait tellement immonde qu’il ne manquerait pas d’alerter tous ceux pour qui la culture judéo-chrétienne de la France, qui se situe aux antipodes du hip-hop, a encore une signification. »
2002, 2003 : Nicolas Sarkozy vs Sniper
Nicolas Sarkozy s’en est pris à Sniper, en 2003. Dans le morceau La France, le groupe venu du 95 (Val-d’Oise) déclare : « La France est une garce et on s’est fait trahir / Le système voilà ce qui nous pousse à les haïr / La haine c’est ce qui rend nos propos vulgaires / On nique la France sous une tendance de musique populaire« . Le patron de l’UMP évoque alors une bande de « voyous qui déshonorent la France » et porte plainte. Le groupe Sniper sera finalement relaxé, à la demande du procureur.
2005, 2006 : François Grosdidier recrute une armée contre le rap français
Après les émeutes de 2005, François Grosdidier, député UMP de Moselle, décide de ne pas faire les choses à moitié. Il convainc plus de 200 parlementaires de s’associer à une plainte auprès du ministère de la Justice, pour incitation au racisme anti-Blancs. Plusieurs groupes sont visés parmi lesquels : le Ministère A.M.E.R (un groupe qui ne produit plus grand-chose à cette époque), Fabe, Salif, le groupe Lunatic (dissous au début des années 2000), Smala, Monsieur R ou encore le 113.
« Le message de violence de ces rappeurs reçu par des jeunes déracinés, déculturés, peut légitimer chez eux l’incivilité, au pire le terrorisme », expliquait François Grosdidier au Monde.
La plainte fut finalement rejetée.
Mais il ne s’arrête pas en si bon chemin et lance alors une proposition de loi visant à créer un délit d’atteinte à la dignité de l’Etat et de la France. Mais il fera chou blanc, la loi ne sera jamais votée. Chat échaudé ne craignant pas l’eau, il remet le couvert contre Monsieur R en 2006. F. Grosdidier reproche au rappeur son morceau Fransse : « La France est une garce, n’oublie pas de la baiser jusqu’à l’épuiser, comme une salope il faut la traiter ‘mec' ». Il l’accuse aussi de montrer un clip où « des femmes dénudées se frottent contre le drapeau français. » Encore loupé pour celui qui est aujourd’hui sénateur de Moselle, Monsieur R sera relaxé en juin 2006.
2009 : Valérie Létard, Christine Albanel et Ségolène Royal contre Orelsan
2007, Orelsan signe Sale pute. 2009, Valérie Létard, secrétaire d’Etat à la Solidarité entend le morceau et s’indigne. Elle évoque un « appel à la haine et à l’incitation au meurtre ». Elle pourra compter sur le soutien de sa collègue à la Culture Christine Albanel. Orelsan sera même déprogrammé des Francofolies de La Rochelle, avec le concours de Ségolène Royal. Finalement, Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP s’insurgera de cette censure. N’importe quoi.
2011 : Michel Raison contre le rap « issu de l’immigration »
Ex-député, devenu sénateur de la Haute-Saône, Michel Raison a posé en 2011, une question au ministre de la Culture de l’époque, Frédéric Mitterrand. Elle repose sur « certaines œuvres musicales » qualifiées alors de « violentes, misogynes, insultantes ». Emporté par la foule, il enchaîne alors et dérape très légèrement en parlant de « chansons écrites par certains groupes de musique rap issus de l’immigration ». Tollé, rétropédalage, Michel Raison dût concéder : « La question n’est pas très bien rédigée. Elle va être reposée même si le fond va rester le même. Je suis un gaulliste social très ouvert et très antiraciste. »
2008: Zemmour et la sous-culture
« Le rap est une sous-culture d’analphabète. » Punchline d’Eric Zemmour en direct sur France O. Le chroniqueur insiste. « Non mais vous avez entendu les paroles des rappeurs ? Non mais excusez-moi… », avant d’évoquer « une échelle des valeurs »: « ce n’est pas parce que ça se vend, que c’est du Rimbaud ». Un peu comme Le Suicide français.
Le magazine « La face cachée de Booba » est toujours disponible en kiosque jusqu’au mardi 16 mars. Et vous pouvez également vous en procurer un exemplaire en cliquant sur notre boutique en ligne.Toute la semaine, un dispositif spécial sera mis en place sur lesinRocKs.com avec un contenu inédit par jour, des interviews et des photos.
{"type":"Banniere-Basse"}