“Tout pouvoir devient féroce quand il se sent menacé.”
De quoi la détention, durant six mois, à la Santé de Julien Coupat aura-t-elle été le signe ? D’un abus de justice ? D’un contrôle policier renforcé dans l’espace social ? D’une régression sidérante des libertés, conduisant à la création du délit d’opinion ? D’une “guerre civile préventive”, selon l’expression de Debord reprise par l’écrivain Mehdi Belhaj Kacem interrogé sur Le Nouvel Obs.com ?
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La réponse la plus juste à toutes les questions que pose cette affaire d’Etat se trouve sous la plume du principal intéressé qui, dans un impressionnant entretien dans Le Monde du 25 mai, théorise sa mésaventure avec une lucidité à la mesure de sa colère: “Ce qu’il y a, c’est une oligarchie vacillante sous tous rapports, et qui devient féroce comme tout pouvoir devient féroce lorsqu’il se sent réellement menacé. Le Prince n’a plus d’autre soutien que la peur qu’il inspire quand sa vue n’excite plus dans le peuple que la haine et le mépris”. Derrière le vernis d’une langue – tranchante, ciselée, coupante –, Coupat, même s’il nie être l’auteur de L’insurrection qui vient, déploie la posture d’un insurgé absolu. A le lire, l’insurrection arrive à grands pas. Ses mots, issus d’une rhétorique post-situationniste qui tranche avec la langue militante dominante, disent quelque chose de très fort sur le vacillement d’un monde : ce qu’il appelle carrément “la fin d’une civilisation”, “l’implosion d’un paradigme”, “une gigantesque perte de maîtrise à quoi aucun maraboutage policier n’offrira de remède”.
Au moment où il écrivait ces lignes depuis sa cellule, le gouvernement opérait précisément un nouveau maraboutage policier, comme si en pleine campagne électorale (les européennes ont bon dos) le recours à la vieille recette sécuritaire suffisait à dessiner un projet politique. De leur côté, Darcos et Alliot-Marie, poussés par Sarkozy, donnaient raison au diagnostic de Coupat, en réclamant des brigades scolaires et des portiques dans les écoles, en préparant des brigades de protection de la famille, et plus globalement en accentuant la répression tous azimuts. Coupat libéré, Alliot-Marie se rassure avec des coups bas. Puisse “cette cour de Mazarin sous neuroleptiques, de Louis Napoléon en version Disney, de Fouché du dimanche qui pour l’heure tient le pays”, selon l’expression de l’insurgé en chef, ne pas contaminer l’Europe de son poison sécuritaire ! La démocratie: une idée neuve en Europe.
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