Les législatives anticipées au Royaume-Uni marquent un désaveu de la politique de Theresa May, qui perd la majorité à la Chambre des Communes. Invitée à démissionner par l’opposition, la Première ministre compte tout de même former un gouvernement.
Elle avait convoqué des élections anticipées pour renforcer sa position et la voilà affaiblie par le résultat. Alors que les négociations pour le Brexit doivent commencer dans une dizaine de jours, Theresa May subit un revers électoral sévère et inattendu.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Un pari perdu
Les conservateurs (Tories), au pouvoir depuis 2010, ont perdu leur majorité absolue et se retrouvent incapables de gouverner seuls. Auparavant forts de 330 sièges sur les 326 requis, ils n’en ont plus que 318 au lendemain du scrutin. Une surprise, car les sondages de début de campagne donnaient Theresa May largement victorieuse, 20 points devant les travaillistes de Jeremy Corbyn. Les élections générales laissent donc le Royaume-Uni en pleine incertitude, et un Parlement sans majorité.
En France et Outre-Manche, les médias insistent sur “l’échec personnel”, le “pari perdu” de la Première ministre dont le mandat ne “tient qu’à un fil”. « La politique devrait devenir plus consensuelle, analyse The Guardian, qui voit dans ces chiffres “une défaite incontestable de l’austérité” et un désir de déplacer la politique vers le centre. “Si Theresa May peut continuer, il faudra qu’il y ait un changement dans la manière de gouverner”. Mais le peut-elle vraiment ?
Maintien possible
Theresa #May : "Je formerai un gouvernement assurant la stabilité à la Grande-Bretagne" pic.twitter.com/qRCEYAtUfM
— BFMTV (@BFMTV) June 9, 2017
En tant que Première ministre, Theresa May a le droit d’essayer de former un nouveau gouvernement. Elle s’est rendue à Buckingham Palace à 12h30 (heure de Londres) vendredi 9 juin afin de s’entretenir avec la Reine et d’obtenir son autorisation. Le DUP, le parti Unioniste d’Irlande du Nord, doit lui permettre de récupérer la dizaine de sièges qui lui manque. Malgré sa défaite, la chef des conservateurs reste à la tête du parti le plus largement représenté à Westminster et peut donc tenter de garder sa place.
Elle avait lancé l’idée d’organiser des élections générales anticipées en avril 2017, un projet validé par le Parlement. Objectif : s’offrir une légitimité par les urnes, afin de mener à bien les négociations pour un “Brexit dur”. En 2015, alors ministre de l’Intérieur, elle avait pris la succession de David Cameron sans être élue. Partisan d’un maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne, celui-ci avait démissionné après la victoire du camp pro-Brexit lors du référendum supposé faire taire les europhobes.
Si certains pensaient voir l’histoire se répéter, avec un départ précipité de la Première ministre, cela ne semble pas être le cas. Du moins, pas tout de suite. D’abord, parce qu’il n’y a pas de successeur évident parmi les Tories pour prendre sa place. Ensuite, parce qu’elle n’est qu’à quelques sièges de la majorité. Malgré cela, sa crédibilité est écornée par le vote du jeudi 8 juin et ses choix politiques mis en question.
Appels à la démission
Côté travailliste, on appelle déjà à sa démission. Jeremy Corbyn, élu en 2015 à la tête du parti, a effectué une spectaculaire remontée dans les sondages et obtenu 40% des votes, soit 261 sièges. Il se voit déjà former un “gouvernement véritablement représentatif” avec les différentes minorités.
Le chef de l’opposition a demandé à plusieurs reprises à Theresa May de quitter son poste, précisant que son propre parti est “prêt à mener les négociations au nom de son pays”, pour un “Brexit qui protège les emplois”. Ses bons résultats (trente-et-un sièges gagnés) devraient asseoir son leadership jusque-là contesté par les députés.
“Theresa May ne pourra pas s’accrocher bien longtemps”, déclare à l’Obs Agnès Alexandre-Collier, professeure de civilisation britannique à l’Université de Bourgogne. L’alliance avec le DUP n’accoucherait que d’une très faible majorité, loin de celle “franche et stable” espérée par la ministre.
Retour de bâton
Ce désaveu est aussi le signe d’une campagne électorale ratée, lors de laquelle des sujets tels que « la taxe sur la démence », la protection sociale et la sécurité ont mis les conservateurs en difficulté. Les attentats de Manchester et de Londres, à quelques jours du vote, ont amené une vague de critiques sur le bilan de Theresa May en tant que ministre de l’Intérieur : elle avait alors supprimé près de 20 000 postes dans la police.
Contrairement à ses prévisions, la Première ministre ne sort pas des élections en position de force. Ni à l’intérieur de son pays, ni face aux 27 pour les négociations sur la sortie de l’UE. Elle qui souhaitait s’extraire du marché unique et prônait la fin de la libre circulation des personnes va devoir composer avec les autres forces politiques pour redéfinir le Brexit. De son côté, le président du Conseil européen Donald Tusk rappelle sur Twitter les échéances à venir.
We don't know when Brexit talks start. We know when they must end. Do your best to avoid a "no deal" as result of "no negotiations". #GE2017
— Charles Michel (@eucopresident) June 9, 2017
« Nous ne savons pas quand les discussions sur le Brexit commencent, mais nous savons quand elles doivent finir. Faites de votre mieux pour éviter un « non accord » comme résultat de « non négociations ». »
{"type":"Banniere-Basse"}