Des étudiants opposés à l’augmentation des frais d’inscription pour les jeunes venus de pays extérieurs à l’Europe bloquent l’université de Tolbiac et celle de la Sorbonne-Nouvelle. Alors que plusieurs lycées sont également bloqués, ils prévoient un cortège “interfac” à la manifestation des “gilets jaunes” le 8 décembre.
C’est la réforme qui ne passe pas – une de plus. Ce 5 décembre, le centre Pierre Mendès-France de l’université Paris-1, dite “Tolbiac”, a été bloqué par des étudiants mobilisés contre l’augmentation des frais d’inscription pour les jeunes venus de pays extérieurs à l’Europe. “Une loi raciste qui va toucher le pouvoir d’achat des étudiants qui sont déjà précaires”, dénonce Bruno, 18 ans, étudiant en double licence de philosophie et de science politique à Tolbiac, qui vient de vivre une assemblée générale (AG) pléthorique le matin même. A partir de 2019, les étudiants résidant hors de l’Espace économique européen (EEE) devront en effet s’acquitter de 2 770 euros en licence et 3 770 euros en master et doctorat. Alors que pour les jeunes Européens, le tarif est de 170 euros pour une année de formation en licence, 243 euros en master et 380 euros en doctorat. Dans une tribune au Monde, 44 établissements dénoncent la stratégie “discriminatoire” de cette mesure.
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Le blocus a donc été voté en AG mardi 4 décembre à l’unanimité, pour défendre une fac “libre, gratuite et ouverte”. Aux dires des étudiants, l’amphi N, qui compte 800 places, était plein à craquer lors du vote. Tolbiac, centre névralgique de la contestation étudiante pendant le mouvement contre la loi ORE (Orientation et réussite des étudiants) en début d’année, rejoint ainsi l’université de Sorbonne-Nouvelle (Paris 3), déjà mobilisée, et la centaine de lycées bloqués depuis lundi contre les réformes dans l’éducation et en soutien aux “gilets jaunes”.
“Nous avons l’occasion de faire une convergence des luttes”
Car le mouvement étudiant encore balbutiant ne survient pas dans un contexte neutre. Alors que les “gilets jaunes” s’apprêtent à manifester de nouveau samedi 8 décembre à Paris, l’idée de se lier à eux est dans tous les esprits. Derrière les grilles de la fac, décorées de banderoles “Contre les frais d’inscription et la vie chère ! Tolbiac contre Macron !”, Bruno résume : “Les discussions tournent autour de l’idée de rejoindre les ‘gilets jaunes’. Le collectif Justice pour Adama l’a fait. On réfléchit aux manières de nous lier aussi. Certains veulent manifester sans porter de gilet jaune, d’autres l’endosseront, mais nous sommes en tout cas réunis par la hausse des frais d’inscription, qui n’est pas si éloignée de la question du pouvoir d’achat”.
Ce qui les unit aussi, semble-t-il, aux « gilets jaunes », c’est la détestation du président Emmanuel Macron. Sur une des façades de la fac, une pancarte en bois représente ainsi le jeu du pendu. Cinq lettres y sont gravées, comme un symbole de mauvais augure : “MACRO_”.
“On n’est pas dans une logique de négociation”
Alors que l’occupation pendant plusieurs mois de Tolbiac n’avait pas eu raison de la loi ORE sur la sélection à l’université en début d’année, les étudiants espèrent cette fois-ci s’insérer dans la brèche créée par les “gilets jaunes”. Une mise en pratique de l’adage militant selon lequel les petits ruisseaux font les grandes rivières. “L’année dernière le mouvement était isolé », constate Lara, 18 ans, posée sur les marches de la fac. « Là, nous avons l’occasion de créer une convergence des luttes, et d’avoir un impact sur la politique du pays. Les ‘gilets jaunes’ font peur au gouvernement. Avec les lycéens et les étudiants, le rapport de force peut basculer”.
Affranchi des syndicats et des organisations politiques, le mouvement des ‘gilets jaunes’ donne du fil à retordre au gouvernement, qui ne trouve pas de prise pour calmer la colère. Le moratoire sur la taxe sur les carburants annoncé par Édouard Philippe est resté sans effet. Et les étudiants de Tolbiac comptent bien enfoncer le clou : “Les ‘gilets jaunes’ n’ont pas de représentants, et nous non plus, c’est tout ce dont on rêvait !”, s’enthousiasme Martin, étudiant en M2, qui se définit comme “autonome”, un “professionnel du désordre” donc, dixit Macron. “On n’est pas dans une logique de négociation : il faut profiter de ce chaos pour obtenir de vraies avancées. Le rétablissement de l’ISF par exemple !”, lance-t-il. On se souvient alors qu’en 2016, la chanson de PNL Le monde ou rien était devenue un slogan des manifs de jeunes contre la loi Travail. Il a encore de beaux restes.
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