En France, les filles souffrent de discriminations dès leur plus jeune âge : c’est le résultat d’une enquête effectuée par l’UNICEF qui a donné la parole à plus de 26 000 enfants et adolescents.
Au terme d’une consultation nationale, l’UNICEF a publié un rapport à partir des réponses de jeunes âgés de 6 à 18 ans. Celles-ci démontrent une discrimination réelle et consciente en fonction des sexes à l’école et dans l’espace public dès l’enfance. Citée par Le Monde, la spécialiste du genre Edith Maruéjouls, auteure de l’étude aux côtés du sociologue Serge Paugam estime que “les stéréotypes de sexe et de sexisme sont intégrés dès le plus jeune âge” et que “les individus et la société finissent par y consentir”.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Séparation des sexes
L’étude insiste notamment sur la ségrégation qui existe selon les sexes dans l’espace public. La cour de récréation, en particulier à l’école primaire, fait l’objet d’une analyse spécifique qui observe que les jeux des garçons sont priorisés, qu’ils bénéficient des espaces centraux alors que les filles sont confinées sur les côtés. Il existe par ailleurs une non-mixité physique dont les garçons sont les plus conscients, probablement selon les auteurs en raison des injonctions de virilité qu’ils ont intégrées. De jeunes garçons parlent par exemple des “petits jeux de filles”. Les auteurs observent : « ‘Traîner avec les filles’, ‘manger avec les filles’, pour un garçon, fragilise sa place dans le groupe des hommes sauf s’il bénéficie d’une réputation de ‘séducteur' ».
La prégnance de ces normes hétérosexuelles peut entraîner un sentiment d’homophobie diffus ou a minima une incompréhension : 45% des adolescents n’affirment pas clairement que “l’on peut aimer qui on veut et que l’amour entre filles et l’amour entre garçons est le même amour qu’entre une fille et un garçon”. Cette impression est la même selon l’origine sociale des enfants interrogés – dont la parole peut parfois être plus libérée s’ils grandissent dans des milieux populaires. Sur ces questions d’amitié filles/garçons et d’homophobie, la réalité est vécue et pensée de la même manière par tous.
Agressions physiques et virtuelles
Les enfants sont aussi, garçons et filles, soumis à la violence des rapports sociaux entre eux et avec les adultes, ce dès le CP à travers attaques, moqueries, discriminations… Cette fois-ci, l’origine sociale a un poids déterminant. L’enquête note que “ces formes de violence symbolique renforcent le poids des inégalités économiques et sociales car ce sont souvent les enfants ou les adolescents les plus défavorisés qui en sont la cible”.
À partir du collège, les discriminations se resserrent sur les filles dont la tenue vestimentaire est ciblée. Les auteurs alertent sur ce problème qui dépasse le simple cercle de la socialisation à l’école : “La ‘tenue correcte’ exigée chez les filles est un problème récurrent dans les collèges et, de manière générale, dans la société. On parle ici de la ‘longueur de la jupe’, de l’oscillation permanente entre ne pas être cataloguée ‘de fille qui cherche ça, qui aime ça, qui mérite l’agression’ et la tenue masculine qui ne correspond pas aux critères attendus de la féminité”. Entre 13 et 18 ans, hors de l’école, les filles ont 2,5 fois plus de risques de se faire harceler que les garçons. Elles sont aussi beaucoup plus que leurs homologues masculins victimes de harcèlement en ligne.
Au terme de ces observations, le rapport préconise un certain nombre de recommandations pour remédier progressivement à ces inégalités filles/garçons. L’importance de favoriser la mixité dans l’espace public est soulignée à travers l’encouragement d’activités pour les filles dans des équipements de loisirs. L’aménagement du territoire doit aussi prendre en compte la mise en place d’“espaces publics partagés” pour que les filles s’y sentent à l’aise et en sécurité. Parmi les efforts à favoriser, les auteurs enjoignent aussi les parents, les réseaux sociaux et de la société à accompagner l’enfance connectée pour prévenir les risques de harcèlement et d’images non-appropriées. Ces témoignages inédits des rapports affectifs entretenus par les enfants ou adolescents montrent un clivage préoccupant selon les sexes, dont la prise en charge est nécessaire pour éviter qu’il persiste à l’âge adulte.
{"type":"Banniere-Basse"}