L’addiction aux Google Glass existe-t-elle ? Pour l’instant, un seul cas a été recensé par la médecine…
Devant le psy, il a toujours le même réflexe. Dès qu’on lui pose une question, il lève la main et porte son index à sa tempe. Il n’a pas de maux de tête, il n’essaie pas non plus de faire bouger des objets par la pensée. Il essaie simplement d’activer ses Google Glass. Le souci, c’est qu’on les lui a confisquées pour une période de trente-cinq jours.
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https://www.youtube.com/watch?v=v1uyQZNg2vE
Le temps que ce soldat américain de 31 ans, en cure de désintoxication au Sarp (Substance Abuse Rehabilitation Program), le centre de réhabilitation de la marine américaine, soit sevré. “Il nous a expliqué que ce mouvement était involontaire et que c’était le geste qu’il faisait normalement pour activer ses Google Glass et obtenir ainsi des informations pour répondre aux questions posées”, relate l’article des cinq scientifiques qui ont pu travailler avec le patient, publié en septembre dernier dans la revue spécialisée Addictive Behaviors (“les comportements addictifs”).
“L’effet Tetris”
Le titre du papier ? Trouble de l’addiction à internet et usage problématique de Google Glass chez un patient traité par un programme de traitement de l’abus de substance en établissement spécialisé. Un article scientifique abondamment relayé par les médias classiques dans le monde entier, les journalistes se faisant l’écho de détails croustillants. Ainsi a-t-on pu lire que le patient utilisait ses lunettes quotidiennement depuis deux mois, à raison de dix-huit heures par jour et voyait ses rêves à travers la petite interface rectangulaire qui s’affiche en 3D en haut à droite des verres des Google Glass.
Un symptôme à rapprocher de “l’effet Tetris”, théorisé en 2000 par des scientifiques américains qui ont remarqué que “lorsque des individus jouent au jeu Tetris pendant de longues périodes, ils rendent compte d’images intrusives du jeu dans leurs rêves”. (Stickgold, Malia, Maguire, Roddenberry, & O’Connor, 2000). Pour autant, “l’effet Tetris” n’a jamais été considéré par les scientifiques comme un symptôme de l’addiction. “L’addiction sans substance est quelque chose de très compliqué et de controversé, sur laquelle les scientifiques ne sont pas d’accord”, nous confirme Vanessa Lalo, psychologue française qui travaille sur les problématiques liées aux addictions et au numérique.
Les médias en ont-ils trop fait ?
Pour preuve, en 2013, la dernière version du célèbre DSM américain, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux qui sert d’autorité en matière de diagnostic psychiatrique, a refusé de reconnaître les troubles d’addiction à internet (“IAD”, en anglais) comme une “maladie officielle”.
Or, dans le cas précis du soldat américain (le seul à ce jour à avoir été étudié par des chercheurs), le trouble diagnostiqué va de pair avec une forte phobie sociale et une addiction à l’alcool. C’est d’ailleurs pour ce motif qu’il avait été admis dans l’établissement. Alors, les médias en ont-ils trop fait en parlant de “premier cas d’addiction aux Google Glass” ? Vanessa Lalo en est persuadée : “L’addiction, c’est le mot à la mode, ça ne veut rien dire concrètement. Il était peut-être dépendant des Google Glass, mais uniquement parce qu’il souffre d’une polyaddiction.” Et pshiiit.
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