Usant et abusant de couleurs nouvelles et de motifs hasardeux, certaines marques poussent l’innovation jusqu’à bouleverser le patrimoine de clubs mythiques, au grand dam des supporters. Une tendance de fond ?
Il est jaune et il attend… Que les fans s’en emparent, que les joueurs le revêtissent et l’emportent avec la fameuse tunique sur le dos. La saison prochaine, le Paris Saint-Germain évoluera – pour la première fois de son histoire – en jaune. Une caractéristique qui n’est pas passée inaperçue parmi les supporters du club de la capitale. Officiellement, cette couleur canari a été pensée comme un hommage aux joueurs brésiliens ayant jalonné l’histoire du PSG. De Rai à Ronaldinho en passant par Thiago Silva, il est vrai que l’histoire d’amour entre les auriverde et le Parc des Princes est aussi longue que passionnée.
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Le Nv maillot jaune Away du #PSG à gagner via Tirage, pr espérer le gagner RT+Follow ce compte, RT+Follow @SFR_Sport et IG salimbaungally pic.twitter.com/CL0slHXcpb
— Salim Baungally 🇫🇷🇲🇺 (@salimbaungally) June 30, 2017
Habile, ce joli coup marketing fait tiquer les supporters historiques. Sur les réseaux sociaux, la guerre entre pro et anti maillot jaune fait rage. Tandis que certains saluent l’arrivée d’un maillot « trendy » et « moderne », les habitués de la porte de Saint-Cloud ruminent. En off, un fan de longue date explique :
« Après la déception liée au maillot domicile qui ne respecte pas les codes du maillot Hechter (maillot historique parisien, ndlr), nous espérions que le club nous propose un maillot extérieur plus traditionnel. Cette couleur jaune n’a aucun rapport avec notre histoire… ».
La mainmise des équipementiers
Les équipementiers jouent-ils avec les couleurs des clubs qu’ils habillent ? A l’heure du football devenu agent privilégié du capitalisme dérégulé, la question outrepasse le strict cadre du symbole. Elle est également affaire de gros sous. En la matière – et n’en déplaisent aux supporters – les clubs n’ont (presque) plus la main. Spécialiste en marketing du sport, Catherine Durroux, explique ainsi :
« Pour chaque tricot vendu, le club n’encaisse environ que 8% de la recette finale. Un tiers va au distributeur, 30% à l’équipementier, 10% à l’usine fabricant ainsi qu’aux intermédiaires de transport et le solde aux états, via les taxes. »
Entouré de mystère, le processus de création d’un maillot de football reflète clairement cette domination des équipementiers sur les autres acteurs du milieu. Fabien Allègre, directeur du marketing au PSG, rebondit :
« La construction du maillot se fait en deux phases. La première consiste en un échange avec les équipementiers et les designers. Ces derniers nous présentent les tendances pour les années a venir. Par la suite, nous avons une discussion de fond avec l’input de notre président qui est très vigilant sur ces questions de valeurs du club et de respect des couleurs. »
Grand absent de ce processus : le supporter. Une curiosité puisque que ce dernier constitue pourtant le dernier maillon de la chaine, celui qui achètera le produit et en déterminera le succès commercial. Dans un édito au vitriol récemment publié sur le site des Cahiers du Football, le journaliste Jérôme Latta exprime un point de vue répandu :
« Comme le véritable et seul motif est inavouable (on prend prétexte de la nouveauté pour relancer les ventes à un prix prohibitif (entre 80 et 120 euros, ndlr) et à un public captif), il faut affabuler. À l’instar du Beaujolais, les maillots nouveaux sont présentés avec leur lot de métaphores marketing: il faut bien leur donner un goût de banane pour les faire avaler. »
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— SAGER (@SARL_SAGER) July 5, 2017
Le retour des valeurs
Dans cet océan de stratégies marketing parfois hasardeuses, certains exemples vertueux parviennent à émerger. Dans le Forez, la marque française Le Coq Sportif, partenaire historique de l’AS Saint-Etienne, met un point d’honneur à faire vivre la légende stéphanoise en imaginant des maillots à l’esprit vintage. Dès le mois d’août, les Verts arboreront un joli maillot en coton, à col bleu-blanc-rouge, rappelant le mythique modèle Manufrance des années 1970.
« Il faut que les supporters puissent s’approprier le maillot » commente Jean-Philippe Sionneau, responsable communication du Coq Sportif, « chez nous, c’est l’idée de collaboration qui prédomine, rien n’est imposé. Nous apportons notre savoir-faire au club. Il y a peu de marketing, surtout de l’émotion« .
Une recette qui semble plaire aux supporters. Animateur du site envertetcontretous.fr, Florian confirme : « De notre point de vue, le partenariat avec le Coq Sportif est une bonne chose car il est respectueux de la charte des Verts. Il s’agit de plus de la marque historique du club, celle avec laquelle la plupart des titres des Verts ont été remporté par le passé. »
🎉🎊Explosion de joie dans 5 minutes … tic tac tic tac #ASSE pic.twitter.com/4Kx25y8aQI
— AS Saint-Étienne (@ASSEofficiel) July 5, 2017
Au fil des années, d’autres équipementiers comme Adidas semble ont intégré la dimension sentimentale que revêtent les couleurs aux yeux des supporters. Avec Manchester United, le Milan AC, l’OM et le Bayern Munich, le poids-lourd allemand inscrit ainsi son travail dans un souci de perpétuation des codes d’institutions parfois centenaires, question de respect. Du coté du PSG, on réfute toute volonté de jouer avec l’histoire et les couleurs du club avec un argument massue : « Le maillot pèse une grosse partie de notre chiffre d’affaires », explique Fabien Allègre, « on ne joue pas avec ça, on ne peut pas se le permettre. La stratégie est de coller au projet du President qui est de faire du PSG une marque globale. Derrière ce maillot jaune, il y a une idée : faire porter le maillot en dehors des terrains de foot« .
Entre détour par le passé et volonté d’écrire une histoire nouvelle, les marques se renvoient la balle, convaincues de la dimension quasi politique de leur œuvre…
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