Les Grecs ont voté ce 5 juillet à 62% « non » au référendum sur le plan d’accord soumis lors de l’Eurogroupe du 25 juin. Le pays est apparu divisé entre partisans du « non » et défenseurs du « oui ». Reportage.
Les yeux du monde entier sont rivés sur la Grèce. L’Europe retient son souffle. « Nai » ou « oxi », les grecs doivent choisir ce dimanche 5 juillet. Différents bureaux de vote ont ouvert ce matin dès 7 heures pour le référendum portant sur l’acceptation ou non de la dernière proposition de réformes posée par les créanciers du pays. Si le gouvernement du premier ministre de gauche radicale Alexis Tsipras, appelle à voter « non », le résultat est incertain et les quelques 10 millions d’électeurs attendus restent très partagés.
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Le « oui » de la peur
Tôt ce matin dans le quartier d’Exarchia, connu pour être le foyer des anarchistes, les rues étaient vidées, les terrasses encore inoccupées. Seul le soleil chargeait l’espace de ses rayons déjà brûlants. Devant le bureau de vote situé au croisement de la rue Benaki et Arachovis, on ne se bouscule pas encore. « On attend du monde tout au long de la journée », précise le policier en charge de surveiller les allées et venues. En attendant, ce sont pour la plupart des retraités qui arrivent doucement et souvent en taxi. « Nous habitons à côté mais notre âge ne nous permet pas de nous déplacer facilement », se justifie Athanasia 70 ans, accompagnée de son mari Christos, 80 ans, béret sur la tête, lunettes de soleil sur le nez et canne a la main : « Nous n’aurions raté ce vote pour rien au monde. C’est un jour très important et nous prenons notre devoir de citoyen très au sérieux », poursuit cette retraitée.
« Pour mon mari comme pour moi, il n’y a pas d’hésitation possible, ce sera ‘oui’. Nous ne voulons pas retourner à la drachme et encore moins sortir de l’Union européenne. La situation serait catastrophique ».
Alors que le couple s’engouffre dans la cour de l’école réquisitionnée pour l’occasion, Alexandra, 44 ans, s’en extirpe. L’air anxieux et fatigué, cette femme au foyer est, ce matin, hors d’elle :
« Je me sens flouée. Cela fait cinq mois que l’on se moque de nous et que l’on va tout droit vers la catastrophe. Je suis terrorisée à l’idée de retourner a la drachme et que l’on se retrouve au ban de l’Europe. Pour moi, ce référendum est un crime organisé. Je vais regarder les résultats chez moi, la boule au ventre ».
Une peur partagée par Adonis, 69 ans : « J’ai voté ‘oui’ pour l’euro. Je ne veux pas sortir de l’Union européenne. On nous dit que ce n’est pas la question posée mais vous l’avez lue la question? Elle ne veut rien dire et en neuf jours nous n’avons pas eu le temps de bien y réfléchir. Tout a été fait dans la précipitation, les gens ont peur ».
Le « non » contre l’austérité
Une peur que Denise impute notamment aux leaders de l’Union européenne. A quelques mètres de là, dans le quartier Monastiraki, cette avocate de 58 ans ne mâche pas ses mots et affiche son exaspération.
« Ils se sont littéralement appropriés ce vote en disant que le ‘non’ reviendrait a dire que nous désirons abandonner l’euro et quitter par conséquent l’Union européenne. Je trouve ça inadmissible et minable. Ce n’est pas du tout ce qui est demandé au peuple grec aujourd’hui. La question porte sur les dernières mesures demandées par la Troika et c’est contre celles-ci que je vote ‘non, non et encore non’. En aucun cas je ne me positionne contre l’euro ou l’UE que je ne souhaite pas quitter et ce, comme la majorité de mes concitoyens », précise t-elle.
Un « non » que partagent également Mixalis et Kostas 35 ans. Ces deux amis se connaissent depuis 25 ans mais ne se sont pas vus depuis 15 ans. C’est par pur hasard qu’ils se sont retrouvés devant l’un des bureaux de vote du quartier Zografou. Evidemment, le contexte politique monopolise leur conversation. « Nous avons tous les deux voté ‘non’. Nous sommes clairs sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un ‘non’ a l’Europe », tient à préciser Mixalis. « Nous savons ce que donne le ‘oui’ puisque ça fait 5 ans que nous subissons une austérité drastique. Nous avons voté contre des mesures jusque là acceptées par nos précédents gouvernements et qui ont, depuis plusieurs années, engendré un chômage galopant, des salaires et des retraites en baisse, une précarité importante et des gens désespérés qui en viennent à se suicider », complète Kostas. « Il faut aller au bout du changement et soutenir Tsipras », s’accordent les deux amis.
Dans une des salles de cours, Stella, 21 ans plonge son bulletin de vote dans l’urne : « C’est la première fois que je vote et je suis fière d’apporter mon ‘non’ a une Europe majoritairement dirigée par des gouvernements de droite qui ont mis de côté toute dimension humaine et sociale. Je suis pour l’Europe mais une Europe différente. Il est temps de prendre un autre chemin et d’apporter un soutien à Tsipras déterminé à ne pas tout accepter. Quel que soit le résultat, il devra composer avec le choix du peuple et en tirer le meilleur. »
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