La mise en ligne des données publiques est riche d’enjeux. Les villes françaises réfléchissent à rendre ces données accessibles à tous.
« Pour lutter contre l’asymétrie de l’information entre ceux qui ont le pouvoir et ceux qui ne l’ont pas, il faut donner l’information, donc il faut ouvrir les données publiques », expliquait récemment Jean-Louis Missika, adjoint au maire de Paris chargé de l’innovation, lors d’une conférence sur l’open data (données publiques) organisée par Regards sur le numérique (laboratoire d’idées de Microsoft France) et le site d’information Worlde.gov Forum.
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Ces données publiques, ce sont celles recensées par les administrations, les services publics, les collectivités territoriales (des statistiques d’état civil aux emplacements des arrêts de bus…) et qui sont – ou devraient être – à la disposition de tous. Grâce à internet, elles peuvent – ou pourraient – l’être d’autant plus facilement.
Les Etats-Unis, avec data.gov, et la Grande-Bretagne, avec data.gov.uk, ont été pionniers en matière de libération de telles données. La France devrait mettre en ligne une version test de data.gouv.fr en décembre. Un sacré travail, car il y aurait 630 000 jeux de données et 5,5 millions de PDF attendant d’être exploités. Pour l’instant, ce sont les villes qui sont les plus réactives. Rennes fut ainsi la première, en octobre 2010, à mettre ses données à disposition du public sur www.data.rennes-metropole.fr.
« D’ici à 2015, 85 % de l’accès à l’internet se fera via les téléphones mobiles, explique Xavier Crouan, directeur de l’information et de l’innovation numérique de Rennes Métropole. Or ceux-ci utilisent des applications qui nécessitent des bases de données. Une institution qui gère un territoire est donc idéalement placée pour stimuler le développement d’applications. Notre démarche s’inscrit dans cette logique. »
Un concours a d’ailleurs été lancé pour dynamiser le processus de création. Paris s’est lancé à son tour en janvier dernier avec opendata.paris.fr, et Nantes, Bordeaux et Montpellier devraient suivre rapidement. Des organismes comme Data Publica ou nosdonnees.fr, projet soutenu par le collectif Regards citoyens (aussi à l’origine de nosdeputes.fr), se chargent également de recenser les données publiques et de les mettre en ligne.
La publication des données permet tout d’abord plus de transparence sur le travail des gouvernants, et donc une stimulation du débat démocratique. Regards citoyens et Transparence International France affirment ainsi avoir « épluché plus de 9 000 auditions annexées aux rapports de l’Assemblée nationale » afin de cartographier l’influence des lobbies. Une fois étudiées, les données peuvent aussi servir à l’optimisation des infrastructures et des services publics. Nigel Shadbolt, maître d’oeuvre de data.gov.uk, explique par exemple qu’en Grande-Bretagne, la publication des taux de mortalité dans les hôpitaux a permis une remise à plat des pratiques de santé.
Ces données constituent aussi une précieuse matière première pour des applications qui faciliteront la vie, notamment dans le domaine du transport. A Rennes, où une cinquantaine d’applications ont déjà été créées, on trouve ainsi Vélo Rennes, qui permet de connaître en temps réel les disponibilités dans les stations de vélopartage ; Handimap, qui propose une recherche d’itinéraires en tenant compte de l’accessibilité des lieux ; ou Parking Guru, pour trouver des places où se garer. On peut aussi imaginer des applications culturelles ou immobilières.
« L’innovation sociale n’est plus uniquement du ressort des institutions, mais bien des citoyens, explique Xavier Crouan. Nous travaillons pour le plus grand nombre de manière cohérente et solidaire, mais les citoyens peuvent tout à fait imaginer euxmêmes les services qui répondront à leurs attentes. Ce serait bénéfique pour tous. »
Toutefois, les données sont le plus souvent divulguées de façon brute, dans des formats peu compréhensibles ou peu exploitables. Pour qu’elles puissent servir, il ne suffit pas de les mettre sous forme de tableaux ou de documents, il faut avant tout que les développeurs se les approprient pour les transformer en applications pratiques et performantes. Il faut donc leur faciliter le travail. Comment, par exemple, être sûr que les données sont à jour et exemptes d’erreur ? Et vers qui se tourner pour les rectifier ?
« Sur 360 000 arrêts de bus dans tout le pays, 18 000 étaient mal situés. 5 % d’erreur dans une base de données publiques, c’est bien, explique Nigel Shadbolt. Un site a été créé pour que les internautes puissent les corriger eux-mêmes. »
Pour pouvoir utiliser des données d’origines différentes, il faut aussi que leurs formats soient compatibles.
Autre problème : qui paie pour mettre en ligne et stocker les données ? Pour développer les infrastructures ? Est-ce l’argent public ? Doit-on faire payer les développeurs, les utilisateurs ? Il faut ensuite s’assurer que publier ces données ne pose aucun problème de sécurité : elles peuvent être utilisées par des citoyens responsables, mais aussi être détournées, piratées voire falsifiées par des personnes malveillantes. Il est donc nécessaire de sécuriser les plateformes de publication.
On peut aussi mettre en balance les avantages et les inconvénients sociaux de l’open data. Ainsi, en Angleterre, le débat a été rude autour de police.uk, site lancé en février (400 millions de clics depuis) et qui géolocalise les données de la criminalité : propriétaires et agences immobilières des quartiers défavorisés estiment ainsi que le site dévalorise leurs maisons. Des arguments que Nigel Shadbolt balaie d’une main : « L’information est bonne pour le marché et elle encourage les gens à faire pression sur leur communauté locale. »
Anne-Claire Norot
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