Du live streaming à l’absence de seating, le défilé de mode explose les carcans. Retour sur un mois de juillet rythmé par des semaines de la mode pas comme les autres. La foule se presse à l’Espace Vendôme. Le 25 juin, premier jour de la semaine parisienne des défilés homme, se clôt par le show […]
Du live streaming à l’absence de seating, le défilé de mode explose les carcans. Retour sur un mois de juillet rythmé par des semaines de la mode pas comme les autres.
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La foule se presse à l’Espace Vendôme. Le 25 juin, premier jour de la semaine parisienne des défilés homme, se clôt par le show le plus attendu de la journée : le défilé de Raf Simons, actuel directeur artistique de la maison Dior, pour sa marque éponyme. A la main, les invités tiennent le carton d’invitation minimaliste sur lequel n’est pas indiqué le traditionnel numéro de place ou de rang. Mystère. Une fois entrés, tout s’éclaire – partiellement, vu que la salle est plongée dans la pénombre. Rédacteurs, journalistes, acheteurs, bloggeurs et curieux sont tous mis au même niveau : ils assisteront au défilé debout.
Le coup de maître de l’équipe de Raf Simons marque la durabilité d’un mouvement tendant à s’éloigner de la forme habituelle du sacro-saint défilé de mode : un runway, un parterre de photographes, trois rangs parmi lesquels le tant convoité first row réservé aux stars, aux rédactrices influentes et aux acheteurs de poids. Chez Louis Vuitton, maison phare du groupe ultrapuissant LVMH, le spectateur n’a même pas besoin de carton d’invitation : emboîtant le pas à Burberry, déjà précurseur en la matière, le défilé homme est retransmis en live sur le site de Vuitton, permettant à n’importe quel internaute d’assister au show en temps réel. Plus de sélection, plus d’exclusivité, la maison choisit la voie de la démocratie directe – et les codes du défilé de mode traditionnel volent en éclats.
Et aux plus radicaux de trancher. Esquivant complètement le rituel du défilé, Damir Doma, designer d’origine croate, présente sa collection homme par le biais d’une vidéo et d’une installation directement dans son showroom. « Après six ans dans le métier, je voulais sortir des habitudes, raconter une histoire autour de la marque et pas juste autour des vêtements, » explique t-il.
Autre variante : le défilé hors les murs. Si la tendance est aux défilés en dehors de la capitale – Alexander Wang à Williamsburg, Raf Simon au Bourget – la saison 2015 voit l’apparition d’un nouveau phénomène : le défilé itinérant. La griffe française Monsieur Lacenaire voit les choses en grand : c’est Paris toute entière qui est choisie comme arrière-plan de la présentation de sa collection printemps-été 2015. Un équipe de vingt cyclistes habillés en Monsieur Lacenaire se balade de la rue de Bretagne au Canal Saint Martin en passant par les Tuileries et le Palais-Royal, pour finir à la boutique de la marque rue de Charlot. « Pour nous, le vélo représente la modernité, la simplicité de notre époque, » raconte Garance Broca, fondatrice de Monsieur Lacenaire. « En plus, avec la forme du happening, cela donnait un côté ludique, un peu détente, qui correspond très bien à l’esprit de la marque. Les vingt garçons choisis se connaissaient déjà et avaient une grande complicité. Ils se sont tous spontanément mis à jouer au babyfoot ensemble une fois le défilé terminé! On voulait quelque chose dans l’esprit d’une bande de potes, et pas seulement une démarche purement esthétique. »
Couture et coutumes
Une semaine après les présentations homme, c’est au tour des maisons de haute couture de dévoiler leurs collections. Même là, dans un secteur aussi codifié et règlementé, des tentatives de distanciation se font sentir. Pour présenter sa collection automne-hiver 2014/2015, Stéphane Rolland a lui aussi choisi le recours à la vidéo, mais en respectant les codes du défilé traditionnel : les invités étaient tous rassemblés au Cinéma Elysées Biarritz pour la projection d’un court métrage mettant en scène ses créations sculpturales. « Toutes mes robes sont instinctivement pensées pour être mises en images. C’est sûrement pour cela que le noir et le blanc sont mes bases coloristiques… Filmer ma collection n’est pas une envie soudaine, j’y pense depuis longtemps, » raconte le créateur. Un carton d’invitation, une sélection de stars, un parterre de photographe – mais pas de défilé. Rapidement disponible sur le site de la maison, la vidéo de Stéphane Rolland donne à l’internaute lambda une porte d’entrée directe au monde cloisonné de la couture parisienne.
Plus loin que le film : la performance. « Je ne suis pas très modeux, » confie Charlie Le Mindu lors de la présentation de sa collection de « haute coiffure » Paris Hait Gris. Ses perruques délirantes, après avoir été mises en rythme par les danseuses du Crazy Horse à l’occasion des 30 ans de la Fondation Cartier, reposent aux quatre coins de la galerie Joyce, différentes déclinaisons capillaires de gris en ode à la capitale. Entre deux défilés couture, le contraste est saisissant. Pourtant, la saison passée, le créateur avait lui aussi cédé aux sirènes du catwalk – mais cette année, il a trouvé son truc : « Mon rapport à la mode est avant tout artistique : j’aime exploiter le côté scénique des présentations. Et la revue, le cabaret, c’est vraiment un concept qui m’enthousiasme. Je veux pousser le vice, et très certainement réitérer l’expérience »
Si Chanel réinvente la tong et Dior canonise la combi-pantalon, d’autres créateurs restent fondamentalement attachés à la lecture traditionnelle du terme de « haute couture ». Salon feutré d’un grand hôtel parisien, chandeliers et invités triés sur le volet : la présentation de la collection Franck Sorbier automne-hiver 2014/2015 sublime l’image d’une haute couture flamboyante, abondante… et inaccessible. Ici, pas de retransmission en live, les mannequins déambulent à travers la salle, caressent un rideau de velours ou effleurent une pampille de chandelier – ce qui accentue considérablement la difficulté du travail des photographes, habitués aux démarches linéaires sur les runways, qui doivent de plus composer avec la pénombre. Récoltant une salve d’applaudissements à chaque frémissement de taffetas, les créations Franck Sorbier prennent vie à la lueur des chandelles. Du presque cliché, presque suranné, comme un bond dans le temps en plein milieu d’une semaine de présentations ne cessant de réinventer le concept de haute couture, sauce 2014. La présentation Franck Sorbier, quasi anticonformiste par son décalage, opère un retour aux sources osé et réussi.
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