Les blogueurs non rémunérés du Huffington Post réclament une indemnisation après la vente du site américain d’information à AOL pour 315 millions de dollars.
Ils seraient des « esclaves des temps modernes », assure sans ciller Jonathan Tasini. Leader de la fronde des blogueurs du Huffington Post, le syndicaliste a déposé plainte le 12 avril devant un tribunal fédéral de New York. Il reproche au site internet d’information d’avoir engrangé des millions sur le dos de ses 9 000 blogueurs et autres contributeurs non rémunérés, en vendant le site à AOL en février dernier. Montant de la transaction : 315 millions de dollars.
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Tasini entend mener une plainte en nom collectif (class action) pour « pratiques trompeuses » et « enrichissement injustifié » contre les fondateurs du site, Arianna Huffington et Kenneth Lerer, et contre le groupe AOL. Il estime que les blogueurs ont créé « une valeur substantielle » pour le site, évaluée au tiers du montant du deal, soit 105 millions de dollars.
Le deuxième site d’information des Etats-Unis doit aussi son succès à ses milliers de blogs
Pure-player créé en 2005, le Huffington Post est le deuxième site d’information le plus consulté aux Etats-Unis, avec 25 millions de visiteurs uniques mensuels, juste derrière le New York Times. En 2010, il devient rentable, avec un chiffre d’affaires de 31 millions de dollars. Etiqueté démocrate, le site doit son succès à un mélange novateur d’agrégation de contenus (actualité et divertissement) et de milliers de blogs. Grâce à une maîtrise habile du « collaboratif », à une interaction forte avec les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter, et à la publication quotidienne de 600 articles, il génère des multitudes de commentaires et fidélise ses lecteurs.
La personnalité d’Arianna Huffington, une riche Américaine de 60 ans, a contribué à cette réussite. Ex-égérie républicaine, habituée des plateaux télé, elle a attiré une poignée de signatures prestigieuses grâce à un solide carnet d’adresses (Barack Obama l’appelle par son prénom).
Des acteurs comme Alec Baldwin, des auteurs comme Norman Mailer et des politiques comme Dominique Strauss-Kahn et le couple Clinton ont blogué pour le site. Mais c’est dans les rangs des milliers de blogueurs ordinaires que la grogne montait depuis la vente. Le syndicat de journalistes Newspaper Guild, fort de 26 000 membres, a appelé les contributeurs du Huffington Post au boycott. Jonathan Tasini, collaborateur depuis 2005, a interrompu immédiatement son blog, où il affirme avoir publié deux cent seize billets.
Sa première bataille contre la gratuité sur le web, Jonathan Tasini l’a gagnée en 2001. Devant la Cour suprême, il a obtenu que les pigistes du New York Times soient rémunérés pour la publication en ligne de leurs articles imprimés. Cette fois, explique Jesse Strauss, l’un des avocats du plaignant, « nous espérons créer un précédent fort pour qu’à l’ére numérique, les producteurs de contenus soient rémunérés pour la valeur qu’ils créent ». Une croisade qui ne reçoit pas le soutien unanime des blogueurs.
« Je ne connais personne qui soit embrigadé à écrire pour le Huffington Post ; tout le monde a ses raisons propres et perçoit un retour sur investissement », écrit ainsi le blogueur Tom Hayes sur le site du Huffington, évoquant les « avantages liés à la visibilité (augmentation des ventes de livres par exemple) ».
Mario Ruiz, un porte-parole du Huffington, confirme : » Les blogueurs utilisent notre plateforme – aussi bien que d’autres blogs collectifs – pour établir des connexions et faire en sorte que leur travail soit vu par le plus de gens possible. » Il souligne que le site, qui emploie deux cents personnes, ne se résume pas à ses blogueurs et a également une activité journalistique.
Anouchka Collette
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