La Coupe du monde 1998 avait généré un film documentaire sur l’équipe de France. Celle de 2010 a consacré le règne de l’esthétique téléréalité.
Tout avait commencé quelques mois plus tôt avec Jean-Edouard Ribéry en compagnie de Zahia/Loana dans la piscine extérieure du Bayern. Car en regardant les aventures extra-footballistiques des Bleus, une étrange sensation s’est emparée du téléspectateur : l’impression que le spectacle offert par l’équipe de France avait tout d’une émission de téléréalité dans le Loft doré du Pezula, luxueux resort qui ressemble comme une goutte d’eau à celui de L’Ile de la tentation.
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Comme si des scénaristes aguerris drivaient le fil des événements : bisbilles internes, scènes vues en différé et de loin, insultes rapportées lors de conférences de presse qui tournaient au confessionnal, expulsion d’un candidat (“Anelka, tapez 1, Gourcuff, tapez fort”), départs volontaires (le directeur délégué de la fédération française de football, Jean-Louis Valentin) et jusqu’à la recherche non de la nouvelle star, mais du “traître”, en qui l’on reconnaît la figure désormais télé-traditionnelle de l’espion introduit dans le Loft par la production.
Comme si, jour après jour, les chaînes de télévision elles-mêmes procédaient (inconsciemment ?) au montage d’une story, nous refaisant sans cesse le résumé des épisodes précédents et apportant quotidiennement un lot de rebondissements, à leur tour commentés à foison par le reste des médias. Au point d’aller chercher, comme pour la Star Ac, le témoignage des parents : la mère de Florent Malouda ou madame Germaine Domenech, déplorant sur RTL les insultes proférées à l’encontre de son cher fils.
Mais c’est surtout comme si les Bleus eux-mêmes, enfants de la téléréalité, en plein Dilemme, hésitant entre Lost et Loft, se comportaient tels des télé-acteurs de leur propre Secret Story, pris au piège de la machine médiatique, pour laquelle ils assurent généralement un tout autre spectacle.
Mutinés contre la production (la FFF, bientôt incapable de driver le scénario), incompris du monde extérieur, organisés en clans à l’intérieur du Loft et soumis aux stratégies individualistes des uns et des autres, les Bleus avaient moins l’air d’une équipe de football que d’une production Endémol.
En 1998, c’était encore la forme documentaire qui écrivait l’épopée sportive, avec le film de Stéphane Meunier, Les Yeux dans les Bleus, produit par Canal+. En 2010, la téléréalité a gagné toutes les sphères du PAF, et est parvenue à transformer une suite de défaites en une success story médiatique. Il n’y a donc pas d’affaire des Bleus, mais un télérécit fabriqué de toutes pièces par ses différents acteurs, et, au final, un emballement médiatique – auquel le président Sarkozy, jamais en reste sur ce sujet, n’a pas pu s’empêcher de succomber. Nice People.
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