Le climat anti-gay en Egypte n’a cessé de croitre en 2014. Buzzfeed a enquêté sur les docteurs égyptiens chargés de « prouver » l’homosexualité des suspects. Des méthodes glaçantes, dont certaines vieilles de 158 ans.
Les rafles d’homosexuels égyptiens ont connu un pic inquiétant en 2014. 150 arrestations ont eu lieu sur toute l’année – et pourtant, l’Egypte n’interdit pas l’homosexualité. Depuis l’arrivée d’Abdel Fattah al-Sissi au pouvoir en mai 2014, les autorités gouvernementales ont néanmoins désigné les gays comme leurs nouveaux souffre-douleurs. Récemment, l’affaire du hammam avait particulièrement marqué les esprits. Une opération policière avait abouti à l’arrestation de 26 hommes dans un sauna gay du Caire. Une journaliste égyptienne, Mona Iraqi, était à l’origine de l’événement ; elle a filmé la scène pour son émission télévisée hebdomadaire et s’est félicitée de cette « victoire morale ».
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« Débauche et attentat à la pudeur ». Telle est l’accusation assignée à ces 26 hommes, et, plus tacitement, à tous les homosexuels égyptiens. Mais quelles sont les techniques des docteurs égyptiens pour détecter les « homosexuels chroniques » ?
Un homosexuel aura un anus « similaire à un vagin »
Ce lundi, Buzzfeed publiait une enquête sur les étranges méthodes de « détection de l’homosexualité », pratiquées par les médecins égyptiens chargés d’examiner les hommes arrêtés. Le Docteur Louis Maged, directeur adjoint de l’autorité médicale du ministère de la Justice, explique par exemple à Buzzfeed:
« La forme de l’anus va changer, devenant anormale et similaire à celle d’un vagin »
Parmi les autres techniques qui lui permettent de sonder ses patients, il note que les anus des homosexuels chroniques ne se contractent pas quand on les touche, ils sont lisses et n’ont pas les « rides » que l’on trouve sur les sujets « normaux ». Louis Maged confesse aussi qu’il repère les « homosexuels chroniques » à leur faculté à recevoir de plus grands objets dans leurs anus.
« L’anus d’un homme normal ne peut pas accueillir plus d’une seule articulation du petit doigt, maintient-il. Tout ce que je dis relève de la science et est écrit dans des livres, les médecins du monde entier le savent bien.»
Mais quel livre peut bien délivrer de telles absurdités ?
Le livre qui inspire les médecins est…français
Il s’agit de l’ouvrage d’un Parisien, le médecin légiste Auguste Tardieu. Son « Etude médico-légale sur les attentats aux mœurs », publiée en 1857, a ainsi fortement inspiré les docteurs égyptiens. Parmi eux, le docteur Aymen Fouda fut l’un des pionniers de l’examen anal en Egypte, et également le prédécesseur de Louis Maged. Dans une interview de 2003 réalisée par Scott Long (de Human Rights Watch), Aymen Fouda glorifiait six caractéristiques mises en lumière par le livre de Tardieu, pour révéler les « homosexuels chroniques ». Il y ajoutait notamment un anus en forme « d’entonnoir ».
En 1998, le docteur Aymen Fouda co-écrivait une étude parue dans une revue, qui « impliquait l’utilisation de l’électricité ». En expérimentant l’insertion d’aiguilles dans le muscle de l’anus d’hommes « non-anesthésiés », Fouda entendait démontrer que les anus des hommes gays ne conduisaient pas l’électricité de la même façon.
Des tests de virginité pour les femmes
Khaled Fahmy, historien de la médecine légale égyptienne qui étudie au Caire, estime que ce « gène gay » apparait plus souvent si l’homme a vécu des abus sexuels dans sa jeunesse.
« Un abus pendant l’enfance laissera une marque physique, et laisse une marque sur l’anus«
Certains accusés ayant subi un examen anal en Egypte ont déjà décrit la cruauté dont les médecins font usage. L’un des accusés du procès du Queen Boat en 2001 a ainsi décrit cette épreuve comme l’un « des deux pires moments de sa vie », l’autre étant sa condamnation à deux ans de prison. « Les médecins nous ont traités comme des porcs », déclare un autre des 52 hommes arrêtés, selon le rapport de ce procès.
Les examens anaux sont loin d’être la seule pratique intrusive qui s’amplifie dans l’Egypte d’Al-Sissi. Les « tests de virginité » pour les femmes ont également fait leur grand retour – Al-Sissi n’a jamais manqué de glorifier leur mise en pratique.
Des pratiques en voie de disparition ?
Plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, telles que Human Rights Watch, ont dénoncé ces examens anaux. Selon Buzzfeed, ceux-ci sont encore en œuvre dans plus de 80 pays, où la sodomie est considérée comme un crime. Au Liban, des responsables médicaux ont appelé à l’abolition de ces examens.
Graeme Raid, directeur du programme LGBT au sein de Human Rights Watch, souhaite dénoncer « les docteurs qui croient ingénument que ceci a à voir avec de quelconques fondements médicaux de base » et “la collaboration entre ces docteurs qui pratiquent l’examen et la police. Ils imposent délibérément l’humiliation et la torture aux gens ».
Dimanche 15 février, un jeune Egyptien tentait de se suicider en s’immolant par le feu, selon le HuffPost du Maghreb. Il faisait partie des 26 personnes arrêtées par la police (acquittées depuis le 12 janvier), lors de la rafle dans un hammam du Caire. « Je travaille dans un restaurant dans un quartier de la Shubra et je dois subir sur mon lieu de travail les paroles et le regard des gens, avait-il dit juste avant son geste, « Que dieu maudisse Mona Iraqi, tout ceci est de sa faute ».
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