Enthousiasme ou méfiance ? De Dominique A à Raymond Depardon en passant par Bertrand Bonello ou Denis Podalydès, plusieurs artistes évoquent l’arrivée controversée de Frédéric Mitterrand (ici avec Christine Albanel) au ministère de la Culture.
Entre enthousiasme et doutes, les artistes et professionnels de la culture s’interrogent sur l’arrivée de Frédéric Mitterrand au ministère. Son passé cinématographique, télévisuel et littéraire pourra t-il faire de lui le nouveau Malraux ou Lang ? Comment gèrera t-il les délicats dossiers en cours, d’Hadopi à l’audiovisuel public ?
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Du côté du cinéma, domaine de prédilection de Frédéric Mitterrand (cinéaste et exploitant), on se réjouit de son arrivée. Denis Podalydès y voit un signe positif pour l’ensemble des domaines artistiques : « J’avais l’impression qu’on cherchait le démantèlement du ministère de la culture – parce qu’elle coûte cher et ne rapporte pas d’argent – mais on peut fonder quelque espoir là-dessus. Il va pouvoir en imposer, avec son passé, face à une certaine arrogance politique à l’inculture décomplexée (notamment avec l’histoire de La Princesse de Clèves) »… Et Raymond Depardon d’approuver : « Cette nomination, c’est quand même l’idée que la culture n’est pas n’importe quoi en France, contrairement aux pays étrangers où elle est rattachée à l’industrie ». La réaction institutionnelle est la même, à la Cinémathèque, où le directeur de l’action culturelle Bernard Benoliel se veut optimiste : « Par l’intermédiaire de Frédéric Mitterrand, j’ai découvert des films, et une façon d’en parler. C’est un nom qui ne ressemble pas à un porte-nom, là il y a concordance. J’espère que son poids culturel peut jouer… Et il sait ce qu’est la Cinémathèque, j’imagine qu’il aura à cœur de la soutenir ».
Mais d’autres professionnels émettent un bémol, tel Dominique A qui rit (jaune ?) de cette optimisme général : « Les artistes sont naïfs quand ils pensent que leur activité va être rehaussée par l’arrivée d’un des leurs : les espoirs sont souvent déçus parce que les attentes sont plus grandes ». Désabusé, Hamé du groupe rap La Rumeur le suit dans cette idée : « Je m’en contrefous. Je n’ai jamais rien attendu du remaniement ministériel »… Au centre des inquiétudes, la marge de manœuvre qui sera laissée au nouveau ministre. Aura t-il les mains assez libres pour faire avancer le schmilblick ? « La culture n’a de toutes façons pas d’importance dans ce gouvernement », regrette le cinéaste Vincent Dieutre.« On se sert de son nom, on le prend comme un symbole, mais il est capable de tourner ça en positif… J’espère qu’il va aller au-delà ».
Les attentes sont en effet nombreuses. Le dossier le plus brûlant pour Frédéric Mitterrand sera la très controversée et finalement amputée loi Hadopi. « C’est une sorte de test : va-t-il apporter quelque chose de personnel ou va-t-il défendre mordicus la loi parce que c’est la ligne du gouvernement et suivre ses directives ? » continue Vincent Dieutre. Juan Paulo Branco Lopez, fils du producteur Paulo Branco et instigateur de la lettre ouverte des artistes contre Hadopi, espère une bise nouvelle : « On n’est pas dupe car tout ça va bien sûr être piloté par Nicolas Sarkozy, donc Frédéric Mitterrand ne va pas tout changer du jour au lendemain. Mais on attend de lui qu’il ouvre le dialogue : discuter d’une contribution créative, organiser des états généraux de la culture qu’on attend toujours… Tout cela va passer par la concertation ». Après la censure par le Conseil Constitutionnel du dispositif de riposte graduée, la haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet a perdu son pouvoir répressif. Pour le moment entre les mains de la Garde des Sceaux, Frédéric Mitterrand devra se réapproprier le dossier… Et s’attaquer à un autre domaine délicat, l’audiovisuel public : « Le cahier des charges de France Télévision vient de paraître : la culture doit être à tous les étages », explique le producteur de télévision Xavier Carniaux. « J’attends du ministre que ce soit vraiment le cas, cela peut être une simple affirmation mais aussi une pratique. Il doit être vigilant, partenaire d’une télé refondée et affirmée dans sa mission sociale et culturelle ». Mais, une fois encore, un obstacle de taille émerge : « Aujourd’hui dans la nouvelle lecture de la constitution, où se trouve le pouvoir ? Ce n’est pas Frédéric Mitterrand qui va nommer le président de France Télévision ».
Six jours après ses premiers pas rue de Valois, le ministre n’a encore donné aucune piste sur sa politique à venir mais suscite déjà bien des controverses. Certains sont ravis, certains restent sceptiques, tandis que d’autres jugent plus sages d’attendre – à la manière du cinéaste Bertrand Bonello : « Comme à Cannes, il faut voir les films avant de juger ».
Ozal Emier et Clémentine Delignières
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