Le 14 février 1989, Khomeini lancait une fatwa contre Salman Rushdie. L’occasion de mesurer l’importance de cet événement : le moment où tout a basculé pour l’Occident, selon Nelly Kaprièlian.
Le 11 septembre 2001, l’Occident fut en état de choc, semblant découvrir avec stupeur à quel point les islamistes intégristes le détestaient, et à quel point ils pouvaient représenter une menace réelle. L’une des raisons pour lesquelles l’attentat contre les Twin Towers fut vécu comme un tel choc, c’est que personne ne s’y attendait – personne ne semblait imaginer une telle organisation et une telle unification des musulmans extrémistes partout dans le monde. Pourtant, quelques années plus tôt, en 1989, les plus virulents s’étaient mobilisés contre un livre publié en Occident – certes, son auteur avait reçu une éducation musulmane, mais le livre était publié par des maisons d’édition occidentales et contenait une supposée critique de l’islam.
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Si, chaque année depuis septembre 2001, on n’en finit pas de commémorer le 11 Septembre, il est essentiel aujourd’hui, en 2009, de célébrer les 20 ans de la fatwa lancée contre Salman Rushdie et ses Versets sataniques. Si peu s’en souviennent, si peu ont fait le lien entre l’appel à l’exécution de Rushdie lancé par Khomeini le 14 février 1989 et l’attentat du 11 Septembre et ses milliers de morts, c’est qu’une attaque contre un livre (et son auteur) compte encore trop peu dans nos sociétés, comme s’il ne s’agissait que d’un épiphénomène cantonné à une micro-élite.
Ce qu’aura prouvé l’affaire Rushdie, c’est que chaque cas de censure et de menace de mort à l’encontre d’un artiste et d’un intellectuel est un symptôme à prendre profondément au sérieux, petite partie visible d’un iceberg beaucoup plus vaste et inquiètant. Cette fatwa fut le symptôme annonciateur du 11 Septembre et du visage qu’a notre monde aujourd’hui : elle est le premier symptôme d’une unification des islamistes intégristes à travers le monde, qu’ils soient iraniens, saoudiens, pakistanais ou indiens, et surtout, surtout, ceux d’Occident, trouvant à travers le livre de Rushdie un catalyseur de leur haine, de leur peur.
Il y eut des librairies plastiquées, des traducteurs attaqués, des éditeurs eux aussi en danger de mort, devant vivre 24 heures sur 24 sous la protection de la police (et l’on salue le courage, en France, des éditions Christian Bourgois).Vingt après la fatwa, on ne pourra plus jamais faire comme si l’atteinte à la liberté d’expression et à la personne d’un écrivain ne comptaient pour rien.
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