Ça ressemble à quoi, à qui, la culture contemporaine? A l’occasion de la sortie de notre numéro sur les « 100 qui réinventent la culture » ce mercredi 24 juin, voici un avant-goût de la sélection.
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Fanny Herrero, 40 ans, scénaristeElle a voulu être journaliste, éditrice, comédienne. Fanny Herrero a finalement trouvé son bonheur dans le métier de scénariste. Après avoir travaillé sur Les Bleus (M6) et Kaboul Kitchen (Canal+), elle bosse depuis deux ans sur la série événement de France 2, 10 %, réalisée par Cédric Klapisch. Elle a endossé le rôle de directrice de collection, sorte de “chef” d’une équipe de scénaristes qui ne tarissent pas d’éloges sur elle. “Elle a un excellent état d’esprit, elle a vraiment envie de former des auteurs”, souligne l’une d’entre eux. Fanny Herrero fait partie de cette nouvelle vague de scénaristes français qui ont envie de s’investir à tous les niveaux de la création d’une série et d’assurer la continuité entre écriture, production et réalisation. “Nous les auteurs, nous sommes les seuls de toute la machine qui connaissons parfaitement les personnages et les histoires”, affirme-t-elle. MT
VETEMENTS, 1 an, créateurs
Derrière ce nom générique se cache un groupe de sept designers anonymes – seul un nom, Demna Gvasalia, ancien du studio Vuitton, a filtré dans la presse – pour que le focus reste avant tout sur leurs productions. Normal que cela sonne familier : les sept, issus de l’Académie royale d’Anvers, de Die Angewandte à Vienne et du Studio Berçot à Paris, ont tous passé un temps chez Maison Martin Margiela, grand pape de la création sans visage. Autre bête noire de VETEMENTS, les tendances saisonnières : le collectif esquisse un vestiaire intemporel, composé de basiques de qualité relevés de détails décalés – un ourlet effiloché, de l’oversize, une touche androgyne… Le résultat balaye le concept “une collection = un thème” que le collectif considère comme un puissant frein à la création. Leurs pièces singulières et affranchies, mais plus encore la fraîcheur de leurs revendications, secouent depuis deux saisons une fashion week parisienne en mal de renouveau. FB
Eva Bester, 30 ans, animatrice radio
Sa voix résonne sur France Inter chaque dimanche dans Remède à la mélancolie.Pour nous sortir de l’abattement, les soins qu’elle prodigue avec douceur et appétit sont ceux de ses invités guidés dans les affres de leurs affects. Eva Bester conduit ses auditeurs sur les chemins de la seule liberté qui vaille : celle de lire, écouter, voir, manger… Une ode radiophonique aux plaisirs des sens qui reconfigure la mélancolie en “mélancoolie”. JMD
Flavien Berger, 28 ans, musicien
Auteur d’un premier album dada et psyché (Léviathan), le jeune Parisien écoute le monde à travers son ordinateur.
T’inscris-tu dans une quelconque avant-garde ?
Pas vraiment. Je ne vois pas les cycles d’influence comme des cercles, et donc pas comme une succession cartésienne d’événements. Je les vois plutôt comme des rhizomes complexes, en trois dimensions. Je crois qu’une position moderne ne permet pas de considérer l’avant-garde comme un schéma avant/après.
Comment définirais-tu la contemporanéité musicale ?
Le contemporain, c’est ce qui se passe au moment où l’on vit. Et notre façon de vivre est conditionnée par les outils disponibles. En ce qui me concerne, je travaille beaucoup autour de la synthèse, qu’elle soit sonore ou visuelle. J’aime l’idée de rapprocher l’artificiel et le naturel, c’est-à-dire de mélanger deux mondes parallèles jusqu’à ne plus savoir l’origine de chacun. En fixant longtemps la mer, par exemple, il est facile d’imaginer que c’est une image de synthèse qui se répète en boucle devant nos yeux.
Tu donnes des cours dans une prépa art. Qu’essaies-tu de faire avec tes étudiants ?
Je mets sur la table mon expérience des études (il est passé par l’Ecole nationale supérieure de création industrielle de Paris – ndlr) et de certaines expériences professionnelles, notamment musicales. Mais il y a une confrontation entre ma culture et celle des étudiants en face de moi, qui ont parfois cinq ou dix ans de moins que moi. Et ça c’est génial : ils me font découvrir beaucoup de choses. Et ils viennent souvent à mes concerts, donc c’est cool !
Propos recueillis par MdeA
Jonathan Châtel, 36 ans, metteur en scène
Ce Franco-Norvégien voue une passion aux écritures nordiques. Révélé dès sa première mise en scène par le prix du public du festival Impatience pour son limpide Petit Eyolf d’Ibsen en 2013, Jonathan Châtel est l’un des grands espoirs de la scène française. C’est avec plaisir qu’on le retrouvera à Avignon pour une adaptation du Chemin de Damas de Strindberg, mis en scène avec Nathalie Richard et Pauline Acquart. PS
Chassol, 39 ans,compositeur, documentariste
Musicien surdoué, un temps compositeur et arrangeur pour la pub et le cinéma, Chassol livre son dernier projet, Big Sun, qui irradie bien au-delà de la musique : un disque et un film déclinés lors de performances live.
Tu proposes une nouvelle forme où la musique et l’image fonctionnent ensemble. Vas-tu continuer dans cette voie, ou penses-tu déjà à d’autres formes ?
Chassol – Je vais poursuivre dans la recherche de sens en creusant un peu plus la forme documentaire lorsqu’elle fait par exemple revenir certains personnages dans sa narration. En gros, j’ai envie de suivre des personnages un peu plus longtemps qu’une seule performance. J’ai envie de filmer l’apprentissage et l’adolescence et aussi de chercher du côté de l’animation.
Quels sont les futurs outils technologiques qui pourraient te faire avancer ?
J’imagine des interfaces installées dans le corps, le cerveau, les mains qui permettraient de réduire le temps qui sépare la pensée de l’exécution. En gros, la télépathie avec l’ordi. Par exemple dire à son soft en pensée : “Superpose-moi des triades de flûtes alto ascendantes avec un tapis de seize cordes trémolo jouant des accords majeurs et fais arriver crescendo et filtrées ces voix d’enfants que je viens d’enregistrer dans le bus.” Mais bon, ces softs seraient ensuite distribués par des grosses boîtes dont le but est le profit et je ne crois pas que j’aimerais avoir un de leurs composants dans mon cerveau, même si cela augmenterait ma capacité à penser de la musique.
Te sens-tu en phase avec les mutations actuelles de la diffusion de la musique (internet et dématérialisation, en gros) ?
Je me sens en phase avec mon époque, j’écoute la musique que je n’ai pas sur CD, vinyle ou dans mon ordi sur YouTube avec un sale son qui ne me gêne pas. J’ai toujours aimé l’idée d’une musique plus que son son. J’ai passé mon enfance à faire rewind sur des radiocassettes avec un son pourri, mais qui m’allait. En gros, je ne sens pas vraiment la différence entre le physique et le virtuel. Tout fait partie de la nature, donc ce sont les idées qui comptent, un peu plus que leur vérité physique.
Propos recueillis par SD
David Coz, 31 ans, ingénieur
Parfois les inventions les plus simples sont les plus géniales. Cet ingénieur Google nous projette dans l’ère de la réalité virtuelle avec un bout de carton.
Tu es le co-inventeur du cardboard de Google. Peux-tu nous expliquer son concept et sa philosophie ?
David Coz – A l’Institut culturel Google à Paris, avec Damien Henry, on a construit un casque de réalité virtuelle en carton. Le téléphone portable fait la majorité du travail. On avait juste besoin d’ajouter deux lentilles et une boîte qui donne l’impression d’être immergé. Tout le monde a adoré que ce ne soit pas un objet compliqué mais simple et désinhibant. Avec le cardboard, notre but est de démocratiser l’accès à la réalité virtuelle en la rendant abordable financièrement. Ses plans sont disponibles et ouverts, chacun peut construire le sien. Certains en ont fait en Lego, en bois, en mousse…
Quel est le potentiel de la réalité virtuelle ?
Elle est portée par le jeu vidéo. Mais on peut aussi assister à un concert de Paul McCartney. Il y a un gros potentiel de vidéo panoramique, sorte de GoPro en 360 degrés pour filmer des mariages, des chutes libres… Mais notre idée est d’utiliser cette technologie pour promouvoir l’éducation et la culture, comme visiter Versailles ou la barrière de corail en 3D. Un projet a fait découvrir à des enfants indiens le Taj Mahal.
En quoi la réalité virtuelle change notre rapport à la culture ?
Elle permet de visiter des musées en 3D, de redécouvrir virtuellement et sans touristes les détails vertigineux d’œuvres d’art comme La Joconde que l’on ne distinguerait pas à l’œil nu. Ensuite, reste à inventer une nouvelle sorte d’art à partir de l’outil de la réalité virtuelle.
Propos recueillis par AL
Delphine Zampetti, 39 ans, Street foodiste
Alors que la gastronomie tremble sur ses bases, la street food incarne un avenir sans chichis. Mais échapper au trio burger/kebab/sandwich rassis reste un problème. Delphine Zampetti l’a compris avant les autres. Dans son échoppe CheZaline, cette ancienne des beaux-arts, fan de Christophe, propose des sandwiches cuisinés – avec poulet en pot-au-feu et pickles, par exemple – et même un jambon-beurre cornichon qui aide à pardonner tous les autres. Dans cinq ans, tout le monde fera pareil. OJ
CheZaline, 85, rue de la Roquette, Paris XIe
Vimala Pons, 29 ans, actrice
Cirque, théâtre, cinéma, Vimala Pons a choisi de ne pas choisir. Passée par le Conservatoire et le Centre national des arts du cirque, Vimala jongle d’une discipline à l’autre. Egérie d’un cinéma indépendant nouveau (La Fille du 14 Juillet, Vincent n’a pas d’écailles) ou plus ancien (les derniers Podalydès, Garrel, Verhoeven) elle fit partie de l’aventure du collectif de cirque Ivan Mosjoukine. De nos jours, leur création, étonnait par un sens de la théâtralité sans faille et une virtuosité revendiquée. Vimala, née en Inde, n’a pas peur des grands écarts. Elle se dit mauvaise en tout : on la pressent douée à l’excès. Avec Tsirihaka Harrivel, partenaire chez Ivan Mosjoukine, Vimala Pons prépare un tour de piste du nom de Mission géniale. Ainsi va Vimala. PN
Mona Chollet, 42 ans, journaliste
Journaliste au Monde diplomatique, Mona Chollet est aussi l’auteur d’essais passionnants et engagés. Avec La Tyrannie de la réalité, Beauté fatale – dans lequel elle met au jour les injonctions pesant sur le corps des femmes – ou Chez soi, où elle livre un vibrant plaidoyer en faveur de l’espace domestique, elle se saisit de sujets simples, leur donne une résonance personnelle et les explore calmement comme on creuse petit à petit une galerie destinée à s’échapper d’une cellule à l’air vicié. DL
Vincent Lacoste, 21 ans, acteur
Révélé à 15 ans dans Les Beaux Gosses de Riad Sattouf, plus jeune nommé de l’histoire des César dans la catégorie Meilleur acteur pour Hippocrate, il n’arrête plus de tourner. On le retrouvera dans les prochains films de Pascal Bonitzer, de Delépine et Kervern, et de Justine Triet.
Qu’essaies-tu de tracer par tes choix ?
Vincent Lacoste – Je ne suis pas sûr de savoir ce que je veux vraiment faire. Enfin si, j’ai envie d’être dans de bons films. La qualité du film, quelle que soit ma place, compte plus que mon rôle, mon personnage. Moi, à la base, j’aime le cinéma. Grâce à mon père, j’ai développé dès l’âge de 12 ans une passion pour les films de Truffaut. Mon truc, c’est le cinéma d’auteur. Ça m’a toujours aidé à me sentir mieux, à réfléchir. Bien avant que je devienne acteur.
As-tu le sentiment de traverser un moment favorable du cinéma d’auteur ?
Ah oui, carrément. Et je pense que ça va croître dans les prochaines années. Depuis quelque temps sont apparus beaucoup de cinéastes passionnants : Justine Triet, Katell Quillévéré, Guillaume Brac, Lucie Borleteau, dont j’ai adoré Fidelio, Riad (Sattouf) bien sûr, et plein d’autres. On se sent porté par l’émergence d’une génération, une énergie commune.
Qu’est-ce qui t’enthousiasme en ce moment dans le cinéma ?
Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin. C’est un film génial, la quintessence du cinéma français dans l’analyse du sentiment. Ça m’a extrêmement ému. De toute façon, rien ne m’émeut plus que la chronique d’un premier amour.
Propos recueillis par JML
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« Les 100 Français qui réinventent la culture », N° 1021, du 24 au 30 juin 2015
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