Le 14 février à la Crypt Gallery de Londres débute une exposition hors du commun: Une cinquantaine de femmes artistes sont invitées à interpréter des poèmes érotiques arabes exhumés du passé.
L’érotisme et la luxure féminine comme armes de résistance idéologique?
A l’heure où les musulmans de sept pays sont désormais interdits d’entrée aux États-Unis et où les stéréotypes islamophobes semblent plus vigoureux que jamais, certains artistes cherchent de nouveaux outils pour combattre. C’est le cas de la plateforme Radical Love créée en 2015 par Roisin O’ Loughlin. Avec son nouveau projet Radical Love: Femal Lust, cette jeune actrice irlandaise a invité une cinquantaine de femmes artistes du monde entier à interpréter librement une série de poèmes érotiques écrits par des femmes, pour la plupart musulmanes, entre le VIIe et le XIIe siècle de notre ère.
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Ces poèmes évoquent le désir et la luxure, la fierté et la témérité. Mais ce qui frappe avant tout, c’est leur incroyable actualité. Selon O’ Loughlin, ils sonnent d’ailleurs plus comme les paroles de chansons pop que comme d’anciens versets. Car quelles que soient les contraintes qui pouvaient peser sur ces femmes, elles conservent une indépendance d’esprit et une fureur de vivre profondément inspirante.
Pour vous donner un aperçu, voici un poème de I’timad Arrumaikiyya datant du XIe siècle, interprété par l’artiste irlandaise Orla de Bri et l’artiste égyptienne Hana Perlas:
I urge you to come faster than the wind,
to mount my breast and firmly dig and plough my body,
and don’t let go until you’ve flushed me thriceJe t’implore de venir à moi plus vite que le vent, de te hisser sur ma poitrine, de creuser et fermement labourer mon corps,
et de ne lâcher prise qu’après m’avoir enflammée trois fois
Hana Perlas – Flush me Thrice
Orla de Bri – Flush me Thrice
A travers l’amour et la sexualité s’opèrent des conquêtes, et pas seulement masculines. Il s’agit de tout conquérir, soi et les autres. De tout braver, ses peurs et leurs interdits. De tout vivre. La sensualité y est vue comme une clé pour la liberté, plutôt que son contraire, et l’on ne peut qu’admirer la perpétuation de cette corrélation dans les œuvres exposées. Elles surprennent par la diversité des procédés, des styles et des supports, cherchant toujours à faire valoir l’universalité de leurs objets et des aspirations qu’ils communiquent.
La beauté de cette exposition tient pour beaucoup à cette multiplicité des figures et expressions féminines qu’elle met en scène. C’est un véritable jeu de cache-cache qui se déroule sous nos yeux et l’on se demande qui est, finalement, la femme ? Cette femme que l’on croit saisissable et d’autant plus sage et figée si elle est musulmane. Cette exposition nous présente le contraire. « La femme » est inattendue. Toujours elle se métamorphose et surprend. Amoureuse et pourtant indépendante, intemporelle et insaisissable à la fois.
Après un show caritatif au profit de Hand in Hand for Syria et du IRC (International Rescue Committee) organisé à Londres pendant les fêtes de fin d’année, Roisin O’Loughlinn revient donc avec la même idée en tête: enrayer l’expansion de la peur et de la bêtise en promouvant l’amour à travers l’art. Un art profondément politique donc, dont les profit seront cette fois reversés au Global Found for Women venant en aide aux réfugiées syriennes.
Alessandra Maria – Our eyes are the go betweens
Vicki Da Silva – I am a lioness
Rosaline Shahnavaz – Riding beasts
Deborah Sheedy – Its burning me up
Mikela Henry Lowe – My eyes outshine the oryx’s eyes
Du 14 février au 6 mars 2017 à la Crypt Gallery de Londres
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