En 2013, une France rance s’est rappelée à notre mauvais souvenir. On la croyait dépeuplée, peu à peu dissoute au fil du temps, et voilà qu’une timide, tardive, incomplète et nécessaire remise à niveau égalitaire a suffi à lui faire battre un pavé qu’elle fréquente peu d’ordinaire. Incrédulité, vingt ans plus tard, de retrouver contre […]
En 2013, une France rance s’est rappelée à notre mauvais souvenir. On la croyait dépeuplée, peu à peu dissoute au fil du temps, et voilà qu’une timide, tardive, incomplète et nécessaire remise à niveau égalitaire a suffi à lui faire battre un pavé qu’elle fréquente peu d’ordinaire. Incrédulité, vingt ans plus tard, de retrouver contre “le mariage pour tous” les troupes réactionnaires de 1984, celles de l’école qui continue de se prétendre “libre”. Veillées et prières, chanoines et barjotes, colliers de perles et talons plats, volée de cloches, et l’ardeur belliqueuse de ceux qui veulent interdire aux autres les droits dont eux-mêmes jouissent le plus tranquillement du monde. Dans ce numéro, un député UMP, Bruno Le Maire, affirme ce que tout le monde sait : personne ne reviendra jamais sur cette loi. C’est toujours ça de gagné, et encore merci à Christiane Taubira – “l’honneur de la gauche”, décidément oui – d’avoir donné beaucoup de panache politique à un gouvernement qui en manque singulièrement.
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En 2013, un ministre du Budget en exercice aura été convaincu d’évasion fiscale. Jérôme Cahuzac aura beaucoup menti, et on l’aura laissé beaucoup mentir avec une complaisance qui confinait à la solidarité de caste, avant d’avouer devant l’évidence. Il est étrange que ce fâcheux épisode ne soit pas davantage rappelé quand il s’agit d’analyser la dangereuse mécréance qui paraît gagner le corps électoral et le discrédit dont souffre la démocratie libérale. L’austérité sévère et obligée que prônent ceux qui savent et veulent votre bien économique, au risque mineur de vous tuer bel et bien, serait plus crédible si elle n’était pas mise en œuvre par un si calamiteux exemple. Très mauvaise pioche.
En 2013, le jury du Festival de Cannes ne s’est pas trompé. Ce qui n’arrive pas si souvent, surtout avec un tel éclat. En récompensant La Vie d’Adèle, ses deux sublimes comédiennes et celui que Claude Berri désignait comme “le plus brillant successeur de Maurice Pialat”, Steven Spielberg a affirmé que le plus radical des gestes cinématographiques pouvait réunir au lieu de diviser. Au-delà de polémiques vaines et déjà oubliées, le beau succès public du film, son million d’entrées comme l’enthousiasme renouvelé qu’il suscite chez nos lecteurs, rassure et réjouit. Comme l’intérêt pour La Jalousie de Garrel ou L’Inconnu du lac de Guiraudie, deux films certes minoritaires mais suffisamment vus pour exister pleinement, confirme que le formatage promotionnel et l’application routinière de recettes éprouvées laissent encore un peu de place à leurs marges. Ces marges que nous ne nous lassons pas d’explorer. A nos risques et périls en ces temps de rétrécissement du domaine de la presse, mais dans l’unique but de les partager avec vous.
C’est pour finir 2013 en beauté et en apesanteur que nous avons demandé à Sandrine Kiberlain et Eric Judor de s’amuser avec nous à une déclinaison de Gravity. Une comédienne aventureuse et inclassable, de Bozon à Dupontel, et un auteur qui ose l’expérimentation télévisuelle la plus débridée (Platane) pour un clin d’œil au film qui aurait pu être le 2001 de 2013 si son récit avait été à la hauteur de son éblouissante inventivité visuelle.
2013, l’année de la mort de Nelson Mandela. On oubliera les cérémonies officielles et les hommages de circonstance pour se souvenir de la seule question qui vaille : de quelle puissance proprement politique cet homme était-il investi pour ne pas succomber à de telles souffrances, à une haine si implacable ? Lui aussi devait savoir que l’avenir dure longtemps.
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