Dans L’Ordre et le Monde, Juan Branco, 26 ans, invite à penser l’engagement en dehors des structures et institutions existantes. Et si la modernité était là ?
L’Ordre et le Monde. C’est le titre d’un livre passionnant, écrit par Juan Branco, 26 ans, que vous avez peut-être repéré dans le dossier “30 révélations pour demain” que notre rédaction a réalisé pour son numéro spécial 30 ans.
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Activiste (on peut le croiser aux côtés de Julian Assange ou d’Alain Badiou), docteur en droit (diplômé de l’ENS, passé par Yale et Sciences-Po), farouche pourfendeur d’Hadopi (Godard l’a soutenu dans son combat) et fondu de cinéma (il cite dans son livre Aki Kaurismäki comme Lucrecia Martel), le jeune et talentueux Branco signe ici chez Fayard une critique de la Cour pénale internationale, la fameuse CPI, où il a traîné ses baskets entre 2010 et 2011. Comme ça, sur le papier, vous me direz, ça n’est pas très sexy. Erreur.
Branco est un parfait connaisseur de notre siècle en mouvement, le XXIe. Ses fonctions et reportages l’ont mené sur les plus dures zones de conflits (on se souvient de ses articles au Nord-Kivu pour Rue89, ou encore en Centrafrique pour Les Inrocks), et sa pensée, malgré son parcours, s’est construite loin des conforts occidentaux. C’est ce qui fait tout l’intérêt de ce livre, L’Ordre et le Monde, qui aurait tout aussi bien pu s’intituler “Le Désordre et le Monde”.
Un Occident arc-bouté sur son instinct de conservation
Ce que nous dit Branco, à travers l’analyse de cette CPI aux maigres résultats et soumise à l’influence des grandes puissances, c’est combien l’Occident se meurt aujourd’hui de son très bête instinct de conservation (on le voit dans sa réaction face à ce qu’il a choisi d’appeler les migrants). Cette Cour pénale internationale, qui devait rendre le monde plus juste, s’est contentée jusqu’ici de le garder en l’état.
L’Etat justement, avec une majuscule, cette entité, ces entités sur lesquelles se fonde ladite Cour, est une valeur en voie de disparition. C’est cette analyse, entre autres, qui rend passionnant L’Ordre et le Monde. “Le cœur de la lutte politique ne se trouve plus au sein de la nation et de son support l’Etat, mais se désincarne et se déterritorialise jusqu’à ce qu’ils deviennent de simples outils de transfert. A côté des groupes politiques, un mouvement plus large s’impose dans le débat public avec des revendications métapolitiques – contestant aux Etats le droit aux outils de surveillance et de contrôle dont ils disent dépendre pour leur survie et revendiquant une émancipation par le bas – sans nouvelle structure d’encadrement”, écrit Branco.
Le monde est bouleversé et il faut s’y adapter
Cette idée est peut-être le cœur du livre. Elle est aussi au centre de l’interview qui réunit ici Julien Bayou et Olivier Besancenot. Il nous faut penser aujourd’hui nous et notre engagement en dehors des structures existantes, des partis, des institutions, des pays, des Etats, des communautés d’Etat, qui sont devenus autant de déterminismes.
Le monde est bouleversé et il faut s’y adapter avec autant d’énergie, penser d’autres voies, vite, qui redéfiniront ce que Branco appelle dans son livre “les rapports de force existants”, qui ne produisent, il le dit pour conclure, que de la pénible “survie”. L’Ordre et le Monde est un appel d’une grande modernité. Lisez-le.
L’Ordre et le Monde (Fayard), 256 pages, 18 €
Les Inrockuptibles, n°1049, en kiosques mercredi 16 mars 2016, disponible dans notre boutique et en intégralité dès mardi 19h sur les Inrocks premium.
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