Michel Rocard a toujours été soucieux de son indépendance. Comme Les Inrocks à qui il offrait en 1995 un entretien historique.
C’est l’histoire d’une interview absolument fondatrice. Nous sommes au début du mois de mai 1995, la semaine de l’élection de Jacques Chirac à l’Elysée face à Lionel Jospin, candidat de la gauche. Les Inrockuptibles, jeune hebdomadaire “musique, cinéma, livres, etc.”, publie alors un entretien avec le grand absent de cette échéance présidentielle : Michel Rocard.
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La photo est prise par Raymond Depardon, en noir et blanc. “Rocard ne sera pas président.” C’est un “coup” pour le journal, qui se place pour la première fois avec cet entretien long, poussé et définitif, sur le terrain politique. C’en est un aussi pour Michel Rocard qui s’offre, lui, la plus belle des sorties. Ce n’est pas la fin de la carrière de celui qui fut le Premier ministre de la France de 1988 à 1991, mais c’est une déclaration d’indépendance, indéniablement.
A cette bande de jeunes jusqu’ici plus habituée à croiser la route de Leonard Cohen, de Dominique A ou de Morrissey, Rocard lâche des bombes sur un Mitterrand déjà affaibli, qui conclut un second septennat marqué par les désillusions.
La conviction et l’intelligence
Un Mitterrand qui, Rocard le reconnaît lui-même, l’avait définitivement battu et surpassé au fameux congrès de Metz de 1979, mais à quel prix. La défaite est actée. Elle est “comptabilisée, orchestrée et organique”, dira Rocard. L’interview aurait pu suer l’aigreur : elle transpire à l’inverse la conviction et l’intelligence.
En s’extrayant presque définitivement du jeu présidentiel, Rocard prend la hauteur nécessaire, celle qui manque tant à nos hommes politiques, et dresse entre les lignes une cartographie de ce que doit être la “gauche de gauche”. Cette profession de foi marque depuis lors la ligne politique du journal que vous tenez entre les mains.
Michel Rocard est mort le 2 juillet, à l’âge de 85 ans, et il était donc naturel pour nous de lui offrir notre couverture. Rocard avait décidé de confier aux Inrockuptibles sa déclaration d’indépendance, et nous lui devons cela. Indépendance : un mot qui caractérise aussi les parcours d’Elie Wiesel, de Michael Cimino et, même si nous ne partagions plus depuis longtemps ses opinions politiques droitières et indélicates, celui de Maurice G. Dantec, à qui Michel Houellebecq, qui commence à prendre ici ses habitudes – et nous nous en réjouissons –, a décidé de rendre hommage dans ce numéro.
Indépendance, un mot qui caractérise également d’autres pensionnaires – bien vivants eux – du journal de cette semaine. On pense à Obey et Nicolas Hulot, qui partagent dans une interview passionnante leurs convictions écologistes ; à Philippe Grandrieux, qui signe un nouveau film troublant de liberté ; à Dev Hynes, rencontré à New York, qui poursuit sous le nom de Blood Orange le sublime parcours entamé avec Test Icicles puis Lightspeed Champion ; ou encore à l’auteur de BD américain Daniel Clowes, qui nous offre en exclusivité les premières planches de son album à paraître en octobre.
« Michel Rocard, larmes à gauche », Les Inrockuptibles n°1075, en kiosques mercredi 06 juillet 2016, disponible dans notre boutique et en intégralité sur les Inrocks premium
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