“Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différents ou de même sexe” : tel est le premier article de la loi adopté samedi 2 février par 249 voix contre 97 et salué par une standing ovation. La simplicité de l’énoncé, son évidence tranquille, ferait presque oublier la violence des débats qui l’ont précédé […]
“Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différents ou de même sexe” : tel est le premier article de la loi adopté samedi 2 février par 249 voix contre 97 et salué par une standing ovation. La simplicité de l’énoncé, son évidence tranquille, ferait presque oublier la violence des débats qui l’ont précédé et ne semble pas vouloir retomber.
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Ces derniers mois, l’homophobie s’est autorisée une visibilité à laquelle on n’était plus habitués. Elle a trouvé de nouveaux vocables – dont celui assez abject d’“homofolie”, restaurant tout un imaginaire de l’homosexualité comme pathologie mentale qu’on pensait révoqué. Elle s’est trouvé de nouveaux thuriféraires : avec ses manteaux roses et ses moues de poupée excitée, Frigide Barjot a tenté d’inventer une sorte d’homophobie queer, où le conservatisme le plus rigide se pare d’atours rigolards et bigarrés. Mal dissimulée par les dénégations les plus alambiquées, l’homophobie a été relayée très largement et instrumentalisée par des responsables politiques, jusqu’à rejaillir de façon brutale au détour de phrases aussi cinglantes et stigmatisantes que le grossièrement provocateur “Je fais partie des Francais normaux” du député Alain Leboeuf (le beauf ?). L’autorisation d’une telle parole, sa récupération irresponsable par la sphère politique, se prolongent en actes et un membre de l’association SOS Homophobie détaille dans ces pages la recrudescence des plaintes pour agression homophobe ces dernières semaines.
On peut penser néanmoins que ce déversement toxique tient du baroud d’honneur. Quelque chose s’est enclenché qui semble aujourd’hui irréversible et que les manifestations de riposte annoncée dans les prochaines semaines ne sauraient faire dévier. La reconnaissance par le mariage du couple homosexuel, l’encadrement légal de l’homoparentalité vont s’imposer et très vite rendre caduque toute cette agitation. Et on espère que dans trente ans, l’opposition en 2013 à ce projet de loi constituera pour un homme politique de droite une casserole aussi embarrassante que celle, pour François Fillon, de s’être opposé en 1982 à la dépénalisation de l’homosexualité.
Parmi toutes ces paroles qui se sont dressées contre le mariage pour tous, la plus dandy, mais pas la moins irritante, est celle qui prétend vouloir protéger l’homosexualité de sa propre tentation à emboîter le pas à la norme. Lui conserver sa prétendue puissance de subversion en lui interdisant l’accès à certains modèles majoritaires (“J’aime trop les homosexuels pour leur imposer le mariage”, Jean d’Ormesson). Mais justement, cette rhétorique est réversible. On affirmera donc que c’est aussi pour le bien des homophobes, afin de les délivrer de ces vaines passions agressives qui inutilement les démangent et de ces arguties sans fin dont ils verront bien qu’elles n’avançaient à rien sinon à contrarier le sens de l’histoire, afin aussi de les rassurer en leur montrant que l’effondrement de civilisation qu’ils redoutaient tant ne s’est finalement pas produit et que non vraiment il n’y avait aucune raison d’avoir peur, qu’il faut absolument et au plus vite que soit votée cette loi.
Jean-Marc Lalanne
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