1. “Des partis de gouvernement fragilisés ? Le risque est de les voir céder à la pression populiste de leurs concurrents, Front de gauche d’un côté, Front national de l’autre. Dangereuse attraction”, écrit Le Monde du 13 avril. 2. Cette idée de la consanguinité des “populismes”, Plantu en avait fait un dessin très contesté par […]
1. “Des partis de gouvernement fragilisés ? Le risque est de les voir céder à la pression populiste de leurs concurrents, Front de gauche d’un côté, Front national de l’autre. Dangereuse attraction”, écrit Le Monde du 13 avril.
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2. Cette idée de la consanguinité des “populismes”, Plantu en avait fait un dessin très contesté par Jean-Luc Mélenchon – qui avait peu apprécié de lire le même discours (“Tous pourris”) que Marine Le Pen. C’est ce qu’on appelle une “antienne” : “une répétition continuelle et lassante de quelque chose, un refrain”, selon Larousse. On l’entend, on la lit cent fois par jour. Plus personne ou presque ne prend la peine de la contester. S’y risquer revient à être immédiatement soupçonné du pire. D’être repoussé au-delà de l’arc-en-ciel vertueux qui va de Michel Sapin à Bruno Le Maire. Très mal vu. Alors qu’on adorerait voir Jean-Marc Ayrault soudain “céder” à Jacques Généreux, l’économiste offi ciel du Parti de gauche, prof à Sciences-Po, un extrémiste assoiffé de sang. Mais ne versons pas dans le populisme…
3. Le populisme, c’est quoi, au juste ? On ne sait plus très bien. “Basiquement, le populisme est un mouvement anti-élites”, nous dit Marcel Gauchet (Causeur.fr, novembre 2010). De ce point de vue, rien de moins populiste que Lénine et le concept d’avant-garde du prolétariat. Il est léniniste, Mélenchon ? Gauchet ajoute : “Mais il y a une protestation dite populiste qui me semble légitime voire salutaire. Comme dans nos sociétés il y a plus de perdants que de gagnants dans la mondialisation, la divergence entre gouvernants et gouvernés s’accentue nettement. (…) Il s’agit toujours d’emmener les peuples là où ils n’ont pas envie d’aller, pour leur bien, naturellement, sauf que le bien n’est plus le même. Il est de promouvoir le libre-échange et la juste rémunération des meilleurs. Cette nouvelle version de l’avantgarde ne me paraît pas plus supportable que la précédente.” Précisons que Marcel Gauchet est un type pondéré qui dirige la revue de centre droit Le Débat.
4. Le populisme n’est donc pas un concept très précis. Mais c’est une bonne manière d’exprimer son mépris de classe, sa suffi sance de caste : “Une affaire Cahuzac de plus et ces cons-là sont capables de voter Mélenchon ou Le Pen aux européennes !” Sous-entendu : JLM et MLP sont les mêmes, au fond. Et leurs électeurs aussi. C’est faux, évidemment – et assez désagréable.
5. J’avoue que je connais plus d’électeurs du Front de gauche que du Front national. Mais je peux témoigner qu’ils ne sont d’accord sur rien, vraiment sur rien, ni sur l’immigration ni sur la laïcité, ni sur l’éducation ni sur le droit du travail. Ce n’est pas parce que le FN vient de découvrir – après trente ans de libéralisme tendance Thatcher/Reagan – l’oeuvre de Jacques Sapir qu’il se retrouve sur les mêmes positions économiques que le Front de gauche… “Les prolétaires n’ont pas de patrie”, écrivait Marx. Juste pour rire, imaginons cette sentence devenir programme du FN…
6. “Mieux vaut une république bananière qu’une France fasciste, disait un des plus sinistres slogans antilepénistes d’avril 2002. Le battage actuel sur les dangers mortels du populisme vise à fonder en théorie l’idée que nous n’avons pas d’autre choix” (“L’introuvable populisme” de Jacques Rancière, in Qu’est-ce qu’un peuple ?, ouvrage collectif, La Fabrique, mars 2013).
Frédéric Bonnaud
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