La fin du monde n’a pas eu lieu, la déliquescence continue. On choisit quoi? La version optimiste des lieux communs de ces débuts d’année : l’humanité regorge de ressources, la preuve, elle a toujours su s’adapter, la fin de l’homme n’est pas pour demain. Et même s’il est assis sur un stock d’armes chimiques ou […]
La fin du monde n’a pas eu lieu, la déliquescence continue. On choisit quoi? La version optimiste des lieux communs de ces débuts d’année : l’humanité regorge de ressources, la preuve, elle a toujours su s’adapter, la fin de l’homme n’est pas pour demain. Et même s’il est assis sur un stock d’armes chimiques ou bactériologiques suffisant à le faire plusieurs fois disparaître de l’univers, on peut lui faire confiance pour éviter l’autodestruction. Ou la version pessimiste : développement humain et entropie allant de pair, le monde est condamné à la finitude et l’espèce à disparaître, le grand toboggan est déjà déroulé, on est foutus, on consomme, produit, gaspille, rejette trop. Servez-vous !
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Sous-texte de chaque nouvel an et son cortège de plans sur la comète : comment ça tient ? Comment ça tient un monde dans lequel l’écrasement des masses, la prédation des élites, l’imposture, l’incompétence et la tromperie triomphent un peu plus chaque jour, malgré l’obscénité du spectacle donné et surtout sa publicité ? Depuis toujours, évidemment, l’écrasement et la prédation ont existé, nos étagères sont remplies des pensées de grands philosophes, mathématiciens ou économistes sur la question, mais au moins tout cela était-il stratifié, cloisonné, caché. Tu. Peu su. Au temps de la caméra omniprésente, de la victoire totale de Big Brother, comment expliquer que le dévoilement des turpitudes du système ne génère pas son renversement ? On a souvent entendu Nicolas Hulot dire que le spectacle mondial de l’inégalité, des injustices, des conséquences de la prédation mettrait la planète devant ses responsabilités et offrirait enfin aux damnés de la terre la possibilité de dire stop. Et pourtant non. On a lu quantité de penseurs, comme Stiglitz et Rifkin, dénonçant le triomphe de la cupidité ou militant pour une nouvelle empathie qui délesterait le monde de ses propres stigmates. On a vu des montagnes de films plus ou moins sérieux, documentaires ou non, sur la finance internationale, la dette grecque, la corruption des gouvernements, la spéculation sur les matières premières, l’industrie agro-alimentaire, pharmaceutique, de l’armement… Oui, l’information circule. La connaissance, moins. Oui, la prise de conscience a lieu, le renversement de l’ordre établi, non. Pourquoi ?
On se pose la question, alors que rentrent au bercail les militaires déployés en Afghanistan pendant plus de dix ans. Dix ans d’une guerre inutile, improductive, de morts et de blessés innombrables, civils et militaires, un pouvoir toujours aussi corrompu, une société tribale toujours aussi médiévale, des chefs de guerre enrichis, une population à bout de souffle et une situation encore plus explosive, dans la région. Ben Laden, contre lequel tout cela a été déclenché n’y séjournait même pas ! Ainsi, par la volonté d’un homme, alors président des États- Unis, et celle d’un groupe de conseillers, à la recherche d’un symbole – l’axe du mal – permettant de rassurer les foules, des centaines de milliers de vie ont été englouties, des milliers de milliards de dollars réduits en cendres et voilà le fanatisme religieux alimenté et le monde moins sûr, une décennie plus tard (même mécanisme concernant la dispersion des armes de Kadhafi qui équipent Al-Qaeda et ses petits). Ce n’était pourtant pas faute d’avertissements de la part de ceux, les spécialistes de la région, qui voyaient dans le déploiement de l’Isaf (la force internationale d’assistance et de sécurité) un échec assuré. La même unilatéralité et la même incompétence présidant chaque année à des décisions majeures pour le plus grand nombre – on cite pêle-mêle les plans d’austérité, la dérégulation toujours plus grande de la finance internationale, les accords de libre-échange… –, on peut somnoler tranquille sur le fait que nous dresserons le même constat fin 2013. Rêver d’un nouvel ordre économique mondial, d’un gouvernement mondial, d’un capitalisme régulé, d’une ONU efficace (parlez-en aux 50 000 morts syriens), bref d’un monde plus juste ? Cours, camarade, le nouveau monde est devant toi !
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