Pendant qu’on parle de la forme, on oublierait presque de penser au fond. À la lame de fond. Pendant qu’on moque le concours du “j’ai une plus grosse arme fatale que toi”, qu’on se désole d’un mauvais remake des Tontons flingueurs, qu’on se jette de bizarres noms d’oiseaux à la tête – espèce de conare […]
Pendant qu’on parle de la forme, on oublierait presque de penser au fond. À la lame de fond. Pendant qu’on moque le concours du “j’ai une plus grosse arme fatale que toi”, qu’on se désole d’un mauvais remake des Tontons flingueurs, qu’on se jette de bizarres noms d’oiseaux à la tête – espèce de conare ! Va donc, eh cocoé ! –, qu’on suit minute par minute ce feuilleton pathétique, mettant aux prises les ego des chefs de clans puis ceux de leurs lieutenants, on ne parle plus de ce que charrie dans son sillage le rafiot UMP. Au-delà de la cohésion d’un parti fait de bric et de broc, c’est la cohésion nationale qui est ébranlée. Et pas seulement depuis une semaine, et pas seulement à cause de Jean-François Copé.
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Il était temps qu’elle se réveille cette “droite gaulliste”, “droite humaniste”, tellement mise en émoi par un soi-disant vol de pain au chocolat, ou l’usage de l’expression frontiste “racisme anti-blanc” ! Il était temps qu’elle se rappelle les valeurs qu’elle est censée incarner. Que ne l’a-t-on entendue depuis dix ans quand, de rodomontades en coups de menton, au nom d’un prétendu réalisme, d’une posture assumée de “droite décomplexée” – oui, déjà –, Nicolas Sarkozy faisait siennes les marottes du FN ? Où était ce choeur de vierges quand l’alors ministre de l’Intérieur promit de nettoyer au Kärcher les banlieues françaises, de les débarrasser de la racaille qui leur pourrit la vie – on en est où, au fait, de cet engagement ? –, quand il fixa dans les esprits, pendant la campagne de 2007, l’image de musulmans égorgeurs de moutons dans leur baignoire, qu’il inscrivit dans les textes la menace intrinsèque de l’immigré en créant le ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, qu’il dégaina les tests ADN pour le regroupement familial des étrangers, qu’il se mit à louer l’immigration choisie – on en est où, au fait, de cette brillante idée ? –, qu’il fit de la traque des sans-papiers et de leur famille un sport national obligatoire pour la police, qu’il désigna les Roms à la vindicte, qu’il laissa comparer les bénéficiaires de la solidarité nationale (donc nous tous, en réalité) à un cancer, ou classifier les civilisations ?
Bref, ces dix années d’obscurantisme pendant lesquelles on apporta à de vrais problèmes de fausses solutions. Ils étaient enfermés dans une chambre secrète et capitonnée, les “héritiers du Général”, pendant la campagne présidentielle de 2012, l’achèvement de dix années de virages à droite successifs, leur apothéose, avec panneau de douane en arabe et légitimation de l’extrême – “le FN est un parti comme un autre” ? Ils n’ont pas vu venir le désastre ? Ils n’ont pas compris que depuis dix ans l’UMP est dans la main du FN auquel il suffit maintenant de refermer le poing ? Que depuis dix ans le programme et les contrevérités extrême-droitières ont infusé dans l’inconscient collectif ?
Maintenant que le mal est fait, comment s’étonner que Jean-François Copé, nourri des sondages, nombreux, démontrant le souhait des électeurs de l’UMP d’un “rapprochement” avec le FN, ait poursuivi dans la voie tracée par le leader charismatique ? Le putatif nouveau président umpiste poursuit la stratégie qui manqua réussir à Sarkozy. À tort. Comme pour la présidentielle, c’est un calcul à courte vue. Un suicide. Car à la fin de la partie, la Marine ramasse la mise, l’UMP explose et la droite se désintègre. Pour quelle recomposition ? JFC peut bien nous raconter qu’il ne pactisera jamais avec le diable, comment fera-t-il la différence dans les esprits aux prochaines échéances électorales ? Copé rêve que son droitisme décomplexé le porte à la présidence du pays, la réalité c’est qu’il sera, au mieux, le Premier ministre de Marine Le Pen.
Audrey Pulvar
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