Porté par une grande inventivité graphique, le récit de l’étrange quotidien d’une sorcière. Sous la fantaisie, Delphine Panique laisse percer la mélancolie.
Rogée est une sorcière. Elle vole, sans balai, a des écailles dans le dos, qu’elle dissimule pour ne pas être démasquée, et son père est Vittorio Gassman. Les humains passent leur temps à détruire sa maison – son amie Martine, une sorcière comme elle, meurt d’ailleurs dans une de ces destructions mais se réincarne régulièrement, en animal ou en elle-même. Rogée passe ses journées à se souvenir des bons moments avec Martine, à reconstruire sa maison, à rechercher une carte mauve qui lui donnera accès à la piscine, à lutter contre de mystérieux arcs de cercle qui l’oppressent, ou encore à contempler la nature.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Delphine Panique, déjà auteur notamment de la joyeuse BD érotique L’Odyssée du vice chez les Requins Marteaux, revient avec un récit à la poésie toute mélancolique et au trait dépouillé. On découvre l’étrange quotidien de Rogée à travers de nombreuses saynètes assemblées de façon non chronologique mais qui au fur et à mesure façonnent un récit cohérent. Les clés et les règles de cet univers singulier se dévoilent petit à petit, tout comme les thématiques de l’album, bien dissimulées sous la jolie couche de fantaisie : gestion du chagrin et de la perte, oubli, droit à la différence…
Un jeu avec le noir et blanc et les formes
Pour élaborer ce monde, Delphine Panique s’amuse avec la géométrie – ses nombreuses inventions graphiques rappellent d’ailleurs parfois le travail du mangaka Yuichi Yokoyama. Elle joue avec le noir et blanc et avec les formes, qui se font parfois organiques et se transforment au gré des humeurs, des pensées – ou des sorts – de Rogée. Derrière son abstraction et son minimalisme, ce Vol nocturne se révèle attachant, et formidablement riche en histoires et surprises.
Le Vol nocturne (Cornélius), 208 p., 18,50 €
{"type":"Banniere-Basse"}