Comment un pays qui possède plus de réserves pétrolières que l’Arabie Saoudite a sombré dans la crise ? C’est la situation du Venezuela, symbole de l’échec du chavisme d’Etat.
La simple lecture des unes des quotidiens vénézuéliens suffit à exposer la catastrophe : La Hora du 14 juin parle de 70 % des médicaments qui manquent en pharmacie. El Nacional du 13 juin évoque une centaine de politiques en grève de la faim. Huit jours plus tôt, La Verdad avançait le chiffre de trente-quatre grévistes. Fin mai, El Nacional étalait un dollar en une et titrait : “Cours officiel : 6 bolivars ; marché noir : 600.”
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Si cette chronique commence par des journaux locaux, c’est parce que tout ce qui touche au Venezuela est hautement inflammable, comme autrefois Cuba ou les zapatistes mexicains. Evoquez la catastrophe économique et vous devenez suspect. Il suffit de relire les chroniques de voyage et les commentaires de Jean-Luc Mélenchon sur le chavisme triomphant pour s’en convaincre. En 20=13, dans un entretien publié par L’Humanité, il parlait du régime de Caracas comme “d’une source inspiration”.
Un régime qui enferme et réprime
Quant à l’actuel président vénézuélien Nicolás Maduro, que l’opposition vénézuélienne a surnommé “Mas Duro” (“plus dur”), Mélenchon en parle comme d’un dirigeant ayant “une vue très ample des relations internationales”. Une telle indulgence vis-à-vis d’un homme responsable en 2014 de dizaines de morts, souvent par balles, de manifestants, souvent étudiants, laisse pantois. D’autant que le régime enferme et réprime ouvertement, sans même s’en défendre !
Pour être juste, il est difficile de brûler ce qu’on a adoré. Moi aussi, j’aurais tellement aimé que le chavisme d’Etat, si simple à comprendre et à expliquer, triomphe au Venezuela et renverse la table en Amérique latine. Je connais bien l’Amérique latine et je sais le poids de l’oligarchie criolla, c’est-à-dire descendante des colons espagnols, le racisme institutionnalisé (notamment contre les Noirs et les Indiens), les injustices sociales béantes et la touffeur catholique.
Un pays bénit par la nature
J’ai aussi cru qu’une révolution citoyenne pouvait commencer par le Venezuela. C’est un pays bénit par la nature : il possède plus de réserves pétrolières que l’Arabie Saoudite. Sa richesse bien redistribuée pouvait donner l’exemple à tout le continent. Hugo Chávez a eu une chance que peu de révolutionnaires ont eue avant lui : arriver au pouvoir et avoir d’un coup les moyens d’une politique différente et juste. Dès les premiers mois de ses trois mandats, le prix du baril de pétrole a triplé, voire quadruplé.
Programmes sociaux, médicaux, scolaires : l’argent coulait à flot et semblait enfin atteindre ceux qui en avaient le plus besoin. “Semblait” seulement, parce que l’essentiel de la manne pétrolière a été gâchée, détournée, misérablement dépensée. D’abord, le gros de cet argent a alimenté les importations. Un exemple ? Depuis quinze ans, le Venezuela est passé d’exportateur de produits agricoles à importateur net. Tout est désormais importé, notamment de la Colombie voisine qui, elle, s’enrichit.
L’armée contrôle les leviers du pouvoir
L’industrie pétrolière nationale est en lambeaux. En mars, pour la première fois de son histoire, le pays a dû importer du pétrole d’Algérie, pour faire face à un début de pénurie d’essence. Quant à la pauvreté, elle a retrouvé son niveau d’avant Chávez. Pire encore : l’armée s’est enkystée au pouvoir. Elle contrôle une bonne part de l’économie et s’est emparée des leviers du pouvoir. Le Venezuela consacre 6,5 % de son PIB à son armée. Un record absolu qui fait du pays le premier acheteur d’armes du continent.
Même le régime cubain s’est détourné de cet allié en roue libre. En signant des accords avec les Etats-Unis, La Havane n’a même pas pris soin de prévenir Nicolás Maduro, laissant Caracas s’enflammer seul et à vide contre “l’impérialisme yankee”.
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