A travers un décryptage aiguisé de ces quatre dernières collections, le journaliste et documentariste Loïc Prigent rend hommage au créateur mythique Alexander McQueen, disparu en 2010. Eclairant et touchant. “The Bone Collector” (le fossoyeur) c’est l’intitulé d’un défilé homme qu’Alexander McQueen présente à Milan le 18 janvier 2010. Un ossuaire en est le décorum. Des […]
A travers un décryptage aiguisé de ces quatre dernières collections, le journaliste et documentariste Loïc Prigent rend hommage au créateur mythique Alexander McQueen, disparu en 2010. Eclairant et touchant.
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« The Bone Collector » (le fossoyeur) c’est l’intitulé d’un défilé homme qu’Alexander McQueen présente à Milan le 18 janvier 2010. Un ossuaire en est le décorum. Des crânes, des fémurs, des tibias, et des cordes en sont les motifs récurrents. Quelques semaines plus tard, le créateur anglais ingère un cocktail de cocaïne et de tranquillisants, et se pend. Pour « ne se laisser aucune chance” commente Loïc Prigent. Ce défilé macabre et prémonitoire résonne alors comme un séisme dans le monde de la mode, sous le choc et traumatisé par la perte subite de celui qu’on surnommait l' »enfant terrible ». L' »enfant », car sa carrière fulgurante commence très tôt, tant et si bien qu’il prend la suite de Galliano chez Givenchy à l’âge de 27 ans. « Terrible », car sa personnalité brute, ses sorties violentes contre ses congénères en interview, la violence qui rode dans ses défilés, dessinent la complexité d’un couturier hors norme.
“Transcender ce qu’est la mode et ce qu’elle pourrait être, c’est ça le rôle d’un créateur. Il faut faire des trucs que personne ne veut faire”. C’est cette définition de son travail, et ses transcendances, que Loïc Prigent décode et analyse dans Le Testament d’Alexander McQueen. Centré autour de ses quatre derniers défilés (dont le dernier est posthume), le documentaire offre une grille de lecture à un système de penser foisonnant, qui redéfinit la mode et ses codes à travers les problématiques de la société contemporaine.
Horn of Plenty, imaginé dès 2008 suite à la crise financière, est proche d’un happening, mettant en scène des “muses prêtes pour la déchetterie”. « Pour vous c’est de la mode ou du spectacle? » lui demande une journaliste à la sortie du défilé. C’est “de l’art” répond-il en souriant. Plato’s Atlantis fait quant à lui écho à l’inquiétude liée au réchauffement climatique et illustre le lien très fort de McQueen à la nature. Le macabre The Bone Collector, est vu au travers du prisme du suicide imminent du créateur. Enfin, son défilé posthume, qui devait s’appeler “Anges et Démons”, est évidemment testamentaire, peuplé de motifs d’archanges, d’ailes dans le dos et de tenues de deuil spectaculaires (créées alors que sa mère est en stade terminal).
Le luxe via sa dégénérescence, les monstruosités qu’engendrent la société de consommation, et surtout la mort qui rôde toujours, sont des thématiques qui se déclinent au fil de l’œuvre de McQueen et qu’on pouvait notamment retrouver lors de l’exposition magistrale qui lui était consacrée à Londres au printemps dernier, et qui portait si bien son nom, Savage Beauty. Ici elles s’épanouissent via la relecture de Loïc Prigent qui offre selon ses termes un « requiem » à un esprit visionnaire de la mode qui n’a pas fini de nous hanter.
Le Testament d’Alexander McQueen, documentaire de Loïc Prigent, diffusé le samedi 26 septembre à 22h10 sur Arte
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